Nous livrons ici deux descriptions sur cette bataille et une discussion sur le lieu où elle se produisit. Précisons que nous nous situons à la fin de la Guerre de Cent-Ans.
Pendant le règne de Louis XI, le
comte Jean de Clamecy, quoique parent du duc de Bourgogne,
s'était déclaré pour le roi et avait été son fidèle allié
dans la guerre du Bien public. Il fut chargé de convoquer pour
la guerre contre Charles le Téméraire, duc de Bourgogne et Sgr
de Château-Chinon, le ban et l'arrière-ban de ses terres et
seigneuries. Le duc de Bourgogne envoya le maréchal Antoine de
Luxembourg, comte de Roussy, tomber sur le Nivernais où le sire
de Châtillon et d'autres barons lui promettaient appui.
Plusieurs places, entre autres Moulins, furent emportées
d'assaut. Mais déjà Louis XI avait pourvu à tout : le sire de
Combronde ou Combrode, Bérauld de Lespinasse, Sgr de Combronde
(GILLOIS, Chroniques du Nivernais), réunit aux francs-archers
d'Auvergne, de Beaujolais et de Bourbonnais qu'il commandait, ce
qu'il trouva de forces en Nivernais et marcha vers l'ennemi. Il
le rencontra à Sermages, entre Château-Chinon et Moulins, le
mardi 20 juillet I475, et après une furieuse bataille, le mit en
pleine déroute, délivrant bientôt après La Rochemillay,
Moulins, Châtillon et les autres places qui étaient tombées
aux mains des Bourguignons. Deux mille morts restèrent sur le
champ de bataille de Sermages et autant furent faits prisonniers
par l'armée du roi.
Une partie des fuyards se repliant sans doute sur Châtillon fut
poursuivie et de nouveau défaite près du village de
Creuseverne, non loin de Dun, à la sortie du chemin traversant
le bois de Fougères, à l'endroit dit depuis "le Champ de
la Bataille". Ces combats sanglants, non oubliés de nos
jours, ont laissé des traces qui ne laissent aucun doute. A
Creuseverne, comme à Sermages on retrouve des ossements humains
enfouis à peu de profondeur, mélangés à des débris de
chevaux et d'armes.
Extraits de la Monographie de
Dun-sur-Grandry
par Gautron du Coudray - I897.
Au mois de juillet 1474,
Moulins-Engilbert fut emporté d'emblée par les troupes de
Charles-le-Téméraires ; l'attaque eut lieu au midi, par la
partie des remparts la plus rapprochée de l'hospice ; on trouve
encore assez fréquemment dans les jardins voisins des débris
d'armes, et l'on découvre à quelques pouces de profondeur, sur
toute l'étendue des remparts, des traces considérables
d'incendie.
Le duc de Bourbon en chassa les Bourguignons l'année suivante, et
les battit complètement peu après. "Il y eu un
engagement entre les troupes du roi, envoyées pour faire guerre
à la duchesse de Bourgogne, pour laquelle guerre le roi avait
commis le duc de Bourbon qui repris Moulins-lès-Engilbert,
trouva la majeure partie des troupes ennemies à Guy, près de
Château-Chinon, et elles chargèrent sur iceux, lesquels ils
déconfirent et y en eut de prins, de mors, et s'enfuirent grande
quantité" (Chronique de Louis XI).
La bataille se donna auprès de Sermages le 20 juin 1475, dans
les champs de Guy, qui depuis ont pris le nom de Champ-de-la-Bataille
; les Bourguignons que commandait le comte de Roussy, maréchal de
Bourgogne, furent taillés en pièces, le général fait
prisonnier avec les seigneurs de Digoine, de Chaligny, le bailly
d'Auxerre, les deux fils du seigneur de Vitteaux, le seigneur de
Reugny, dont la famille s'est éteinte, il n'y a pas beaucoup
d'années, par la mort des deux frères Reugny du Tremblay et
Reugny de Pousserie : la perte de cette bataille détermina
Charles à lever le siège de nuit.
On fixe à cette époque l'entrée de Louis XI à
Moulins-Engilbert ; à cette occasion, les échevins
dépensèrent quatre-vingt-dix livres qui furent employées à
défrayer le roi et les gens de sa suite.
Jaubert Aîné, Souvenir
du bon vieux temps dans le Nivernais, particulièrement dans le
Bazois,
chapitre IV, p. 39 - 1837.
Discussion
Le président Petitier et le docteur Bogros prétendent que la
bataille aurait eu lieu, non pas à Sermages mais à deux
kilomètres au Nord de Château-Chinon, entre cette ville et
Corancy, aux Champs de Guy, où se trouve actuellement le domaine
de Montbois.
Et à l'appui de leur thèse, ils font remarquer qu'en ce lieu, ont été trouvés, à diverses reprises, des boulets, des casques et des lances brisées, et que de plus, leur opinion serait d'accord avec la chronique de Louis XI qui dit que 'le duc de Bourbon trouva les Bourguignons près de Château-Chinon".
Que la bataille ait eu lieu près de Sermages ou qu'elle ait été livrée à Château-Chinon, cela n'est pas de grande importance dans l'histoire, et nous ne voyons guère pourquoi il est recherché querelle aux vieux auteurs Vély, Jean de Troyes, Courtépée, Gilet, l'abbé Baudiau et de Barante, qui tous, non sans avoir vraisemblablement étudié les documents ayant trait à l'affaire, et avec eux la tradition, ont fixé le champ de bataille à Sermages.
Nous ferons cependant remarquer à l'encontre de l'opinion de MM. Petitier et Bogros que si l'on s'est battu aux Champs de Guy, l'on s'est aussi battu à Sermages, ainsi que l'attestent les débris d'armes, les ossements d'hommes et de chevaux qu'on y a découverts.
Or, si la bataille du 20 juin 1475 n'a pas eu lieu à Sermages, l'on ne voit pas bien à quelle date on aurait pu se battre en ce lieu, ni de quel combat le Champ de la Bataille aurait pu être le théâtre, car ni en 1478, ni en 1564, ainsi que M. Petitier en admet l'hypothèse, ni même à aucune autre date antérieure ou postérieure à celles sus-indiquées, on n'a pu s'y battre, étant donné le cours des événements qui se sont peoduits dans la région à ces deux époques.
Tandis qu'autour de Château-Chinon ont eu lieu de nombreux combats, notamment de 1410 à 1412, époque à laquelle la ville fut assiégée et prises par les Armagnacs et reprises par les Bourguignons, et en 1474-75 l'année même de la bataille du 20 juin, où Château-Chinon fut pris par les Français, repris par les Bourgugnons pour retourner au pouvoir des premiers ;
Et que l'un de ces combats a bien pu avoir lieu à l'endroit que M. Petitier indique comme étant celui où cette bataille a été livrée.
La chronique de Louis XI, dit M. Petitier, fixe le lieu du combat près de Château-Chinon. Mais Sermages n'est pas loin de Château-Chinon ; et la chronique de Louis XI, si elle eût parlé des Champs de Guy, les eût plutôt indiqués comme étant sous Château-Chinon, et même à Château-Chinon.
Et puis les Champs de Guy sont situés dans un col donnant accès des vallées qui descendent vers Moulins-Engilbert à la vallée de l'Yonne.
Or le combat qui a été livré à cet endroit l'a été assurément soit à un corps de troupes qui voulait franchir ce passage, soit à une armée qui assiégeait Château-Chinon. Et le duc de Bourbonnais, qui était envoyé par Louis XI à la rencontre des Bourguignons, ne voulait à ce moment ni assiéger Château-Chinon, ni passer dans la haute vallée de l'Yonne en laissant derrière lui l'armée Bourguignonne.
Il semble donc de tout impossibilité comme il est de toute invraisemblance que le duc de Bourbonnais ait pu aller chercher l'ennemi là où M. Petitier veut qu'il l'ait rencontré.Et il est logique de penser que les deux adversaires, ayant l'un et l'autre le désir d'en venir aux mains, sont partis, l'un de Château-Chinon, l'autre de Moulins-Engilbert, et se sont rencontrés à mi-chemin entre ces deux villes, au Champs de la Bataille.
Albert Rabion, Chapitre IV, p. 85 : Note relative à la bataille qui fut livrée près de Sermages le 20 juin 1475, in Moulins-Engilbert à travers les temps, 1910, réed. 2003.