Une fois construit, le canal du nivernais eut à souffrir de l'évolution des gabarits. En 1842, année de son inauguration après plus d'un siècle de travaux, le canal devait accueillir des embarcations qui lui était adaptées, c'est-à-dire à ses écluses, à la hauteur libre sous les ponts, ses courbes sévères, ses tranchées et ses voûtes, l'essentiel de cette difficile configuration se situant dans la partie centrale du canal, soit entre Cercy-la-Tour et Sardy-lès-Epiry. Les "bâtards du Nivernais" étaient des bateaux conçus sur le modèle des "flûtes bourguignonnes" qui circulaient déjà sur le canal de Bourgogne, construit plus au Nord au 18ième siècle entre l'Yonne et la Saône, et sur les péniches flamandes bien connues des mariniers du 19ième siècle, mais à une longueur réduite, soit trente mètres.

Une 'flûte' bourguignonne à l'écluse d'Isenay
Une 'flûte' bourguignonne à l'écluse d'Isenay

Seule la partie centrale du canal est restée jusqu'à nos jours au gabarit dit "Becquey", Louis Becquey (1760-1849) étant le nom du directeur des Ponts & Chaussées de 1817 à 1830 qui mena une politique très incitative de construction et de modernisation des voies fluviales naturelles et artificielles, lequel normalisa la taille des canaux et des embarcations pouvant les emprunter. Dans le cadre de ce plan, le canal du Nivernais fut donc initialement achevé pour accueillir des embarcations aux normes suivantes :

- Gabarit minimum unique :30,40 x 5,20 m
- Hauteur Libre : 3 m
- Mouillage : 1,60 m
- Tirant d'eau : 1,20 m

Ces paramètres convenaient bien à des embarcations pouvant porter jusqu'à 150 tonnes.

Suite à la loi du 5 août 1879, les parties entre Decize et Cercy-la-Tour et entre Sardy-lès-Epiry et Auxerre ont été portées au gabarit dit "Freycinet", qui visait à augmenter le gabarit des canaux et des embarcations. Charles Saulce de Freycinet (1828 - 1923) était alors ministre des Travaux Publics sous la IIIième République. Les bateaux devaient obéir aux nouveaux paramètres suivants :

- Gabarit minimum unique : 38,50 x 5,05 m
- calant 1,80 m (T.E.)
- portant 250 t sur canal et 350 t en rivière profonde
- T.A. : 3,50 m

Ces paramètres sont ceux des péniches actuelles que l'on a baptisé un peu trop rapidement "Freycinet" alors qu'elles sont d'inspiration flamande, celles-là mêmes qui ne peuvent actuellement passer par la partie centrale du canal restée aux normes "Becquey".

Le problème du canal du Nivernais vient donc de ce que la partie centrale entre Cercy-la-Tour et Sardy-lès-Epiry n'a jamais été mise à la nouvelle norme, d'où des problèmes de ruptures de charges dans les ports de ces deux villes. On le comprend : il aurait fallu reprendre les chantiers titanesques des tranchées et des tunnels entre les étangs de Baye et la Colancelle... alors que les investissements ne se justifiaient plus. C'est ce qui provoca trente ans après sa mise en service sa désaffection progressive et annoncée, le canal Latéral à la Loire étant alors plus adapté pour joindre le canal de Briare, soit avant même la concurrence des chemins de fer et de la route. Avant 1970, plus aucune circulation n'était signalée sur le canal et il fut même question de le déclasser et de le fermer à tout jamais en 1965 avant que le département de la Nièvre ne reprennent les 60 km litigieux à son compte pour en faire une section touristique gérée par la D.D.E. de Corbigny. Il fallait surtout éviter la répétition du sort funeste de la destruction du canal du Berry...

Sources : Charles Berg