On sait peu de choses sur cette
famille émigrée en France sous le premier Empire, notamment par François-Xavier Duran (1763 - 1836), déjà cité, surtout connu comme conseiller de Castille, conseiller d'État du roi d'Espagne. Il est très tôt engagé dans la vie administrative et judiciaire du Royaume où il est tout d'abord oidor (magistrat auprès du roi) de 1793 à 1803 puis Alcalde des Hijosdalgo de 1803 à 1804, puis Alcalde del Crímen, toutes fonctions auprès de la Chancellerie du Roi à Valladolid sous la présidence de don Fernando Muñoz de Guzman, ville où la juridiction cléricale s'oppose à la juridiction royale et où il habite, Calle de la Luna. Entre 1803 et 1805, il est également vu comme commissaire du Roi aux affaires intérieures et, entre autres fonctions, préposé à l'établissement de cimetières permanents hors l'enceinte des villes. En 1804, peu après le commandant Benito San Juan, il est envoyé malgré lui par Carlos IV comme Juez de Comisión pour réprimer une révolte en Biscaye et y faire appliquer la "justice royale", sur les ordres du ministre Caballero alors que Manuel Godoy, "ministre universel" du roi Carlos IV, s'y était opposé. En 1805, il est nommé Conseiller du Roi. Puis il entre au Conseil Royal et Suprême de sa Majesté en 1808, il habite alors Calle de la Estrella à Madrid. C'est dans le cadre de cette institution et toujours malgré lui qu'il exécute en 1808 avec don Felipe Ignacio Canga et don Ignacio Martínez de Vilella, les ordres royaux de confiscation des biens de Manuel Godoy (1767 - 1851), príncipe de la Paz, décrié par Carlos IV pour d'obscures raisons de trahisons politico-militaires, notamment par la mutinerie d'Aranjuez (qui aurait conduit à l'occupation du royaume par les français et à la destitution de Carlos IV), l'un des derniers représentants du despotisme éclairé espagnol (qui fut exilé à Rome, à Pésaro puis, le royaume rétabli après 1814, éxilé par Fernando VII à Paris où il mourut et fut enterré au Père Lachaise). Membre de la junte pendant la francesada où il s'occupait des provinces de Cuenca et de Guadalajara, et s'étant prononcé le premier pour le roi d'Espagne imposé par Napoléon Ier en vu d'en finir avec les désordres de Carlos IV, il fut repéré dès 1808 par Napoléon Ier dans une lettre du 19 mai 1808 écrite à Bayonne à l'adresse du Grand Duc de Berg, alors lieutenant général du Royaume d'Espagne à Madrid. Il est, en effet, nommé comme ancien conseiller de Castille au Conseil d'Etat par le roi Joseph Ier (José Napoleón) dès le 22 février 1809, conseil composé de vingt-quatre (24) conseillers. Le 6 novembre 1809, il est alors fait Chevalier de l'Ordre Royal d'Espagne. Il tenta, avec les autres conseillers de la Junta, sous l'autorité du Roi Joseph Ier et du Grand Duc de Berg, de rétablir Manuel Godoy dans ses droits et biens en Espagne, fussent-il acquis frauduleusement et contestés sous l'ancien régime. Il s'agit bien d'une tentative car c'est avec Don Manuel de las Heras et le comte de Casa Valencia, comme lui conseillers d'Etat et afrancesados, c'est-à-dire ayant pris le parti des français, qu'il devait prendre son passeport pour la France "pour recouvrer la santé" une fois Napoléon défait en 1814 et Fernando VII réintrônisé, entraînant la fuite de Joseph aux Etats-Unis, entraînant par là même le départ de seize (16) des vingt-quatre (24) conseillers vers Zaragoza (Saragosse) jusqu'à l'évacuation de la ville d'où ils furent évacués vers le pays de leur choix. Et c'est à Paris que Francisco Xavier Durán, ancien magistrat, mourut en 1836, ville où il fut enterré au cimetière du Père Lachaise. Il avait été fait noble de Provence, pour lui-même et sa descendance.
Marie (María de los Dolores) Louise Georgette Jeanne Ramona de Durán (1803 - 1862), native de Valladolid, fille de François Xavier Duran et de Marie Louise d'Elanne - qui fut Première Dame d'Honneur de la Reine Marie-Louise d'Espagne, Marie-Louise de Bourbon-Parme (1751 - 1819) -, mariée en France avec José Moreno de Mora y
Cabeza de Sylva, a un frère, Juan Carlos María de los Dolores, Charles pour les Français, domicilié comme elle à Paris, dont le nom a longtemps été orthographié Duran de Lanne, finalement enterré en parfait célibataire, sans descendance, sous le patronyme de Duran d'Elanne au cimetière du père Lachaise en 1878 dans sa 77ième année.
On en sait
plus sur la souche catalane. Elle faisait en tout cas partie de
la bourgeoisie urbaine comerçante catalane qui, sans être à
proprement parler noble mais ciudadana honrada,
coopérait très bien avec la noblesse espagnole et catalane
quant aux activités commerciales lucratives et, face aux crises,
se comportait en parfaite symbiose avec la noblesse qu'elle
imitait et, concrètement, ne formait qu'une seule classe sociale.
Comme premier grade de la noblesse, le statut de ciudadano
honrado équivalait en fait à définir un statut
intermédiaire entre celui de la bourgeoisie et celui de la
noblesse.
La famille catalane des de Durán, donc d'ancienne ciutadania honrada, a été vue à Barcelone par un certain damoiseau ("doncel / donzell") du nom de Domenech (ou Domingo) de Durán y de Muxiga, qui faisait partie de la Compagnie Royale de Commerce de Barcelone (la "Real Compañía de Comercio de Barcelona"), et se maria dans la deuxième motié du 18ième siècle avec María Esperanza de Bastero y Vilana. Ce couple eut une fille du nom de María Luisa de Durán y de Bastero qui épousa un certain Ramón Bonaventura Manuel Benet de Tord y de Pedrolo (1753 - 1827), et deux fils : Lluis de Durán y de Basteiro, le plus connu, qui s'établit à Salamanque, rentra dans les ordres et, en 1782, traduisit en castillan un ouvrage écrit en latin par Juan Interián de Ayala, de l'Université de Salamanque, "Pictor christianus eruditus - El pintor cristiano y erudito, o tratado de los errores, etc - Le peintre chrétien et érudit ou traité des erreurs, etc", le manuscrit étant conservé aux archives de l'église des Saints Juste et Pasteur de Barcelone ; Antonio de Durán y de Bastero, qui s'illustra à la fin du 18ième siècle par des travaux d'amélioration des techniques d'irrigation, notamment par la construction de barrages vers Zamora. Un autre représentant de cette famille a été vu par un certain Rafael María de Durán y de Ponsirh qui était gentil-homme de chambre de Sa Majesté le Régisseur honoraire à vie de Barcelone, et mourut un certain 7 mars 1856. Son petit-fils, Enrique de Durán y de Durán, fut maire de Barcelone vers 1875 ; des déboires financiers l'obligèrent à vendre une bonne partie de la fortune familiale. Il eut, entre autres enfants, deux filles dont nous parlerons.
Cette lignée existe toujours, quoique sous des patronymes associés à des matronymes différents.
La famille de Durán s'allia à la
fin du 19ième siècle à la noblesse catalane des
barons d'Albi, ou de Albi, suivant les langues,
française ou catalane / castillane. Suite à l'éxil forcé d'Hipólita
de Aragón en 1645 (1), une partie de cette noblesse a pris racine à
Tarragone. Un descendant actuel en est don Carlos de Montoliu y
de Carrasco, 32ième
Barón de Albi, membre de l'Ordre Constantinien
Militaire et Sacré de Saint-Georges depuis le 9 avril 2005,
titre transmis de son père Carlos de Montoliu y de Durán, Barón
de Albi, officier d'artillerie, chevalier de l'Ordre de
Malte, époux de María del Pilar de Carrasco y Milá de la Roca, et de
son grand-père Mariano de Montoliu y de Togores Cipriano (1859 -
1930). Carlos de Montoliu y de Carrasco est un politique, chef d'entreprise y promoteur culturel catalan. Il fut un temps Gouverneur Civil de la province de Guadalajara. Il est sénateur du Cercle Equestre, presidé par Carles Güell de Sentmenat. Il se présenta aux élections du Parlement de Catalogne en 1980 sur les listes des Centristes de Catalunya-UCD, mais ne fut point élu. Il se présenta également sur les listes de "Convergència i Unió" aux élections des Conseils des Comarques de 1987 pour la Noguera. Il fut l'un des secrétaire généraux du Mouvement Européen International.
Historiquement, le titre apparaît en 1513 en Angleterre
avec l'élévation de Dominique White au rang de Baron d'Albi,
sous l'Empereur Maximilien Ier d'Autriche, Dominique
étant élevé Comte d'Albi avec son frère Ignace sous
l'Empereur Léopold. En 1712, constatation est faite qu'il n'y avait plus que des filles
dans l'héritage du titre, qui se trouvaient alors au service de
la reine d'Espagne. Le titre, vacant, est donc passé en 1630 à la lignée Galcerán de Castellá, don Francisco
Galcerán de Castellá Zabastida Eril de Ardena ayant été fait
barón de Albi en 1674. Son descendant a été José
Galcerán Castellá de Çabastida (1698 - 1701), de la vice-royauté
de Majorque (virreinato de Mallorca). La dernière transmission du titre dans cette lignée
a été notée en 1755 avec Francisco Galcerán de Castellá y Zabastida, Ardena y Fons, Señor de Albi en Cataluña.
Le "palacio-castillo"
des barons d'Albi d'Espagne a été construit, quoique inachevé,
à Montsonís, province de Lérida, au 16ième siècle,
en remplacement d'une construction beaucoup plus ancienne datant
de 1024, aux fins de rechristianiser la province de Catalogne
contre les invasions musulmanes. L'histoire contemporaine nous apprend que la baronie d'Albi joua un rôle important dans l'armée de la Généralité de Catalogne pendant la Guerre Civile, ou envoya des embassadeurs du gouvernement catalan à Madrid au temps de la Guerre de Succession. Le baron actuel, Carlos de Montoliu, est Président de la "Fundació Castells Culturals de Catalunya".
Le couple Ramón - María Luisa eut des enfants, dont une fille qui se maria avec un descendant de la souche commerçante des Gil Babot, d'où l'apparition à la descendance des Gil y Benet parallèlement aux Gil y Serra dont un certain Pedro se maria avec une fille Moreno de Mora.
Doña Dolores de Durán y de Brichfeus, soeur de la barone d'Albi (1), épouse de Mariano de Montoliu, déjà cité, avait épousé don Fernando de Querol y de Bofarull, Avocat, qui fut maire de Tarragone, President de la Diputación Provincial et Académico des Beaux-Arts de San Fernando, et décéda le 28 juin 1935 à Tarragone. Ce dernier fit paraître dans le Buletin Arquéologique de Tarragone, paru en 1902, une traduction de la narration de Jean du Castel, historique sur la conjuration d'Hipolyte d'Aragon de 1645 à 1648 au profit du roi catholique, et en 1903, un ouvrage sur les coutumes tarragonaises. Le patronyme "de Querol" est actuellement associé avec les matronymes "de Aragón" et "Delclaux". Dolores de Durán avait une autre soeur, Soledad de Durán y de Brichfeus (? - 1931), mariée à Ignasi de Janer i Milà de la Roca (1869 - 1919), rédacteur, écrivain et avocat de son état. Leur père était Enrique de Durán y de Durán, maire de Barcelone, dont nous avons déjà parlé.
La souche des de Durán établie en France sous le premier Empire a été annoblie sous la dénomination patronymique de "Duran de Lanne ou d'Elanne" quant au frère de Marie-Louise, Charles. On le comprend surtout avec François-Xavier Duran (1783 - 1836), son père, qui, noble de Provence, fut conseiller de Castille et conseiller d'État du roi d'Espagne, et dont l'épouse, Marie Louise d'Elanne, fut la Première Dame de la reine d 'Espagne. L'extension "de Lanne / d'Elanne" proviendrait d'une baronnie brabançonne de Belgique ou d'un ancien domaine seigneurial situé actuellement dans les Pyrénées Atlantiques. La noblesse d'Empire française - mais aussi la noblesse d'apparence - portait souvent des titres aux domaines purement fictifs.
Tous ces noms de famille, cités en patronymes ou en matronymes, ou en titres de noblesse, sont également présents en France méridionale.
1) - Soeur de la Baronne d'Albi dont une ancêtre, la fameuse doña Hipólita de Aragón, barone d'Albi, épouse du magnat barcelonais le baron d'Albi Francisco Galcerán, qui avait pris le parti des Français, qualifiée de "belle et dangereuse", sa famille étant liée aux rois catholiques, conspira pendant la Guerre de Trente Ans, un certain 8 septemnre 1645, contre tous les afrancesados de Barcelone et particulièrement contre la personne du vice-roi de France que Louis XIV avait imposé à Barcelone et à la Catalogne, envahie par les armées françaises aux fins de créer un passage entre Perpignan et Tarragone, les espagnols ayant été défaits sur la Segre et dans les plaines de LLorens avec la prise de Rosès et de Balaguier. La conspiration ayant échoué, car découverte par le comte d'Harcourt, la conspiratrice échappa à l'exécution capitale mais fut exilée à Tarragone... Fernando de Querol, époux de Dolores de Durán, était donc bien placé pour traduire en castillan un ouvrage de Jean du Castel portant sur la conjuration d'Hypolite d'Aragon, paru en langue française en 1662...