Sur Louise Frédérique [Salomon]-Cohen, alias Louise Béguin-Salomon
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Louise Frédérique procède d'une famille juive du Comtat Venaissin émigrée à Marseille par son grand-père Salomon Cohen (L'Ile-sur-Sorgue (Vaucluse) 1749 - Marseille 1833), négociant, mariée en 1794 avec Thérèse Maximine André (St Maximin la Sainte Baume (Var) 1756 - Rémilly (Nièvre) 1839), qui joua un certain rôle pendant les évènements de 1789 et acquit des biens au détriment de condamnés de la Révolution. Le couple Cohen-André a eu deux enfants, Salomon Rousseau Cohen (Marseille 1794 - Rémilly (Nièvre) 1876) et Elie Michel Cohen (Marseille 1795 - ?) qui mourut fort tôt on ne sait où. Salomon Rousseau Cohen ne restera pas à Marseille et sera nommé à Grenoble (Isère) en 1824 comme employé à la direction des contributions directes. En 1825, il modifie légèrement son identité pour s'appeler Louis Rousseau Salomon-Cohen (en fait, il intégrera dans son patronyme le prénom de son père et ajoutera Louis) et le nouveau patronyme sera repris par sa descendance, trois enfants. Louis Rousseau se mariera en 1821 à Marseille avec Césarine Boisset (Chambéry 1799 - Rémilly (Nièvre) 1880) et, suite à une nomination à Rémilly par la banque Sellière dans ce département, s'établira définitivement avec sa famille dans la Nièvre en 1832.

Césarine Euphrosine Salomon Cohen (Marseille 1824 – Bourges (Cher) 1904), Adolphe Ambroise Salomon-Cohen (Grenoble 1827 - Clamart (Seine) 1907) et Louise Frédérique Cohen (Marseille 1831 - Paris 1916) seront ses trois enfants. Précisons tout de suite que l'orthographe patronymique des trois descendants n'est pas la même car Césarine Euphrosine, que l'on nommera communément Euphrasie, est née effectivement sous le patronyme de Cohen et intégrera dès 1825 Salomon pour en faire Salomon-Cohen ; Adolphe Ambroise naîtra directement sous le patronyme modifié de son père ; reste Louise Frédérique qui naquit à Marseille par erreur sous le seul patronyme de Cohen, alors que son père, qui avait déjà changé son nom, s'étant établi transitoirement en 1831 à Cercy-la-Tour, dans la Nièvre, n’avait pu fournir à temps les pièces justificatives à son nouveau nom.

Louise Frédérique est donc la troisième d'une fratrie de trois enfants. Comme son frère et sa sœur, elle vivra son enfance à Rémilly, un petit village de la Nièvre actuellement sur la ligne ferrée de Nevers (Nièvre) à Chagny (Saône et Loire), aux confins du Morvan méridional et, à la veille d'un déménagement à Montaron, le village voisin, où son père allait s'occuper d'une ferme-école, elle en constituera l'exception dès le départ.

Dès 1843, sa mère, Césarine Boisset, qui avait décelé des aptitudes pianistiques particulières, l'accompagne à Paris où elle est admise au conservatoire de cette ville et suivra notamment les classes de Mme Jeanne Louise Farrenc née Dumont (1804 - 1875). Elle sort du conservatoire en 1851. A Paris, elle acquiert rapidement une vocation affirmée d'excellente pianiste et se consacre en même temps aux plus jeunes compositeurs tout en se montrant toujours prête à faire connaître leurs œuvres auprès des maîtres classiques. Tout comme elle l'est de pianiste, elle est également appréciée comme enseignante à Paris ( Musikalisches Conversations-Lexikon, Ergänzungsband, 1869, Berlin, 1883, p. 29).

Ajoutons que Louise Frédérique obtint le second prix de piano en 1847 et le premier prix en harmonie et en accompagnement en 1851. Elle apparut fréquemment dans des concerts avec le violoniste José White (1835 - 1918) pendant les années 1860 et 1870. Ayant fondé une Société de Musique de Chambre, elle se produisait également chez elle au 26 de la rue de Constantinople, dans le 8ième, un appartement qu'elle avait acquis à son nom en 1875 dans le cadre d'une séparation de biens, et dans les salons de M. et Mme Charles Lebouc, au 12 de la rue Vivienne, et souvent dans la salle Erard à Paris. Virtuose, compositeur ("Etude de Concert pour la Main Gauche", op 14, Paris, ed. Richault), elle donnait des cours de piano chez elle puis, son activité augmentant et se diversifiant, à compter de décembre 1882, pour les adultes, à l'Ecole Internationale de Musique, 7, rue Royale, à Paris. Nommée au titre d'Officier d'Académie le 13 juillet 1887, puis en 1894 Officier de l'Instruction Publique, il semble que son ex-mari, Charles Alexandre Béguin, professeur de mathématiques, épousé à Paris en 1855, l’en déposséda suite à une rupture en 1887 (voir la loi Alfred Naquet de 1876 puis de 1884 sur le divorce) ; Louise devait alors discrètement poursuivre son activité professorale, notamment par des matinées et des auditions (elle avait encore programmé une matinée pour le 1er Mars 1896 en la salle Erard de Paris,  au 13, rue du Mail), et fut régulièrement mentionnée sous le nom de Mme Béguin née Salomon dans l’Annuaire des Artistes et de l’Enseignement Dramatique et Musical  de Paris jusqu’en 1909. Notons que, sans doute suite à son divorce, elle fut également déclarée dans cet Annuaire sous le seul nom de Salomon sous la même adresse.

Elle aura avec son mari trois enfants, Louise Berthe Marguerite Béguin (Paris, 1856 - Chaville, 1941) , Georges Béguin (Paris, 1859 - La Mothe Saint-Héray (Deux-Sèvres), 1859), qui ne vécut pas plus de cinq mois, et Léon Adolphe (Paris 1867 – Navarrenx (Pyrénées-Atlantiques), 1941), polytechnicien dont la naissance viendrait d'une relation adultérine de sa mère avec un chanteur lyrique polonais, Jean de Reszke. L'aînée se mariera en 1880 à Paris avec Bernard Henri Gausseron (La Mothe-St-Hérail (Deux-Sèvres) 1845 - Machonville-Rouxmesnil (Seine Inférieure) 1913), militant blanquiste repenti de la Commune de Paris, exilé en Belgique puis en Grande Bretagne, gracié en 1879, angliciste distingué, et aura une progéniture ; Léon Adolphe en 1892 avec Marie Cécile Elise Béguin (Paris, 1858 - Pau (Pyrénées Atlantique), 1947), une cousine, puis en 1920 avec Madeleine Marie Marthe Pommarès (Bordeaux 1888 - Saint-Germain-en-Laye 1969) ; une fille naîtra du second mariage, qui aura une desendance.

La presse artistique et musicale de Paris, en particulier le Ménestrel, parle d'elle régulièrement, de ses prestations et de ses enseignements. Elle composera en 1894 sa "Petite Suite Facile " pour piano publiée aux éditions Richault, sa dernière œuvre.

Elle commencera à se faire discrète dès cette année, ne se contentant que de son activité de professeur de piano, ce jusqu’en 1909, et mourra sept années plus tard, le 12 novembre 1916 dans le 17ième arrondissement de Paris, atteinte d'un cancer, en pleine première guerre mondiale et dans l’indifférence générale.

Elle s'était fait professionnellement connaître sous le nom de Mme Louise Béguin-Salomon, Béguin étant le nom marital et Salomon le composant "oublié" de son état civil à sa naissance de Salomon-Cohen, le nom modifié de son père, pour ainsi s'aligner avec le patronyme de son frère et de sa sœur.

Louise Frédérique [Salomon]-Cohen avait à Paris dès 1888 une nièce, fille d’Adolphe Ambroise Salomon-Cohen (Grenoble (Isère) 1827 – Clamart (Seine) 1907) et d’Anne-Céline Bertheau (Entrains-sur-Nohain (Nièvre) 1836 – Paris (6e) 1895), Charlotte Salomon-Cohen  (Montaron (Nièvre) 1862 - Nice, 1933) qu’elle aida, notamment après la mort de sa mère, qui fut son élève et, à compter de 1896, se consacra également à l’enseignement du piano. Après avoir fréquenté un artiste lyrique italien et escroc avéré, Riccardo Mililotti (Rome (Italie), 1854 - Nice, 1943), elle se mariera fort tard, en 1920, à Hanoï (Indochine) avec un marchand de musique de cette ville, un certain Marius Ernest Déchenaux (Mustapha (Algérie), 1891 - Marseille, 1955).

Voilà ce que nous pouvons dire de cette musicienne qui, effectivement, défraya la chronique musicale parisienne au 19ième siècle, de 1843 à 1894 environ.

 

Oeuvres de Louise Béguin Salomon

Titres

Parties

 

 

[] Etude de concert pour la main gauche (Concert study for the left hand). Piano. op14 pub Richault, Paris

 

[] Marine. Etude de concert. Piano. op22

 

[] Petite suite facile. Piano. 1894
sa dernière composition
pub Richault, Paris

 

[] Caprice étude en la. Piano
pub A. Noël, Paris

 

[] Tarantelle. Piano
pub Alphonse Leduc, Paris

 

[] 6 Pièces faciles en style classique. Piano
pub Costallat et Cie, Paris

[] 1 - Andante
[] 2 - Tout petite nocturne
[] 3 - Air de ballet
[] 4 - Petite romance
[] 5 - Allegretto
[] 6 - Cantando

Sources : Tim de Brie, Haarlem, Pays-Bas