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L'eglise Notre Dame de l'Assomption
Montaron - sans doute une contraction de Mont d'Aron - est, au Sud de Vandenesse, assurément la commune non morvandelle la plus forestière du canton. Dire que plus de la moitié de la superficie communale est recouverte de forêts n’est pas une gageure. Habiter à Montaron, c’est accepter d’avoir cette immense barrière forestière qui caractérise à l’horizon Sud et Est un bocage plus ou moins remanié par le remembrement (L’Association Foncière du Remembrement à été dissoute le 3 juin 2002). Le bourg paroissial de Montaron se situe en cul-de-sac entre le Ru des Chevannes, en prolongement du Ruisseau Saint-Michel, et l’immense forêt des Vernes, sur un petit promontoire accesible en voiture par l’Ouest seulement, de la route de Pouligny à Fours. L’Eglise Notre Dame de l’Assomption, du 12ième siècle, remaniée aux 15ième, 16ième et 19ième siècles, en est pratiquement l’aboutissement, que l’on voit de loin dans le bocage depuis les fermes de Corcelles et, au delà du pont de Charnay, de Chevannes, à l’Est du bourg. Le clocher présente l'originalité d'être couvert de tuilezs de bois. Des restaurations y ont été engagées en 1990, l’édifice étant actuellement entièrement restauré. Site protégé, l’abside en cul-de-four et le clocher de l’eglise, propriétés de la commune, ont été inscrits à l’inventaire des Monuments Historiques le 16 août 1976 : elle abrite des fresques murales peintes sur un enduit de chaux et datées du 14ième siècle, et une Vierge en Bois Doré. Les fresques, actuellement propriété d’une association, ont été découvertes lors de travaux de réfection au 19ième siècle, en assez mauvais état. La cloche de cette église a fait l'objet d'une restauration en 2006 (14.000 € alloués en mai 2006 par le Conseil Municipal).

Tout d'abord, sur l'origine du nom : la bulle du pape Eugène III (1151) donne à ce pays le nom de Montoirant. Pendant le treizième siècle, les notaires écrivirent Monterrant, en latin Mons Errans. En 1511, on trouve Monteron, et en 1547 Montarron. Peu après, on écrivit Montaron, et depuis cette orthographe n'a pas varié. Sur le plan hydrographique, la commune est traversée par le Saînt-Michel, petite rivière qui prend sa source à la Queudre, sur la commune de Saint-Honoré, et par le ruisseau Dauzon ou de la Chèvre, qui vient aussi de Saint-Honoré et se jette dans le Saint-Michel. La réunion de ces deux rivières forme la rivière de Poussery ou Ru de Chevanne, qui va grossir les eaux de l'Aron. Commune aux gens un peu rudes - une contume voulut qu'ils fussent des "sorciers" - Montaron fut l'une des rares communes, pour ne pas dire la seule, à s'être opposée à la vente des terres du duc de Périgord, en fuite, pendant la période révolutionnaire.

Montaron vit la naissance, le 5 octobre 1821, de Jean Baptiste Chanteclair et d'Emée Pougault, d'un enfant glorieux du pays qui, comme lieutenant, fit le siège de Rome du 24 juin 1849 au 24 février 1850, participa à la campagne d'Italie du 6 avril au 6 août 1859 où il fut nommé Chevalier de la Légion d'Honneur, assista aux batailles de Magenta et de Solférino, se rendit à Mostaganem avant de se faire prendre par les allemands du 29 octobre 1870 au 14 avril 1871, Mathurin Victor Chanteclair. Promu Général de Brigade le 30 mars 1881, le Général Chanteclair fut gouverneur de la ville de Verdun jusqu'en 1883. Elevé Commandeur de la Légion d'Honneur le 12 juillet 1880, médaillé de la Valeur Militaire de Sardaigne et de la médaille d'Italie, il fut mis en réserve de l'armée en 1883 et mourut à Versailles le 10 août 1893 (suivant le "Panthéon de la Légion d'Honneur, 1875 - 1911", de Théophile Lamathière).

Comme bon nombre de communes du canton, Montaron, réunification des paroisses de Chevannes, Pouligny et de Montaron, est une commune à l’habitat profondément dispersé, du moins dans ses partie bocagères ou enclavées dans la forêt. Son premier maire fut le curé de la paroisse, François Belin (1739 - 1816), officiant à Montaron depuis 1768, nommé à ce poste le 27 novembre 1793 comme "ami de la Révolution" - ses lettres de prêtrise de 1768 furent brûlées à Moulins-Engilbert un certain 18 novembre 1793 - et devait y rester pendant la Terreur. Il avait monté en son presbytère une imprimerie qu'il dirigeait lui-même. Natif de Montaron en 1733, fils d'Antoine, marchand tanneur à Moulins-Engilbert, et de Jeanne Rébreget, il avait notamment été, avant la révolution, précepteur des enfants de la dame du Tremblay, Mme de Reugny, dont nous reparlerons. De mauvaises langues disaient qu'il passait pus de temps au domaine de Poussery que dans son église, et à chasser qu'à dire la messe. Puis, dès 1763, il tint le registre paroissial de Montaron puis fut nommé vicaire à Vandenesse l'année suivante avant de revenir sur Montaron en 1768. Il ne devait plus quitter sa cure jusqu'à sa mort, en 1816. Ajoutons que François Belin construisit à ses frais et pratiquement à lui seul sa propre cure dont, comme on le verra, la première pierre fut posée en 1781 par Marie-Philippine Bruneau de Vitry, alors âgée de trois (3) ans... Jusqu'à la Révolution, la cure de Montaron était à la collation du prieur de Mazilles (Isenay). Elle fut vendue nationalement à la Révolution avant d'être réacquise symboliquement par Pierre Marie Belin pour le compte de Louis de Vitry qui la revendit en 1823 au Marquis de Leusse qui la rétrocéda à la commune. Elle était comprise dans l'archiprétré de Moulins-Engilbert et devait quinze sols à l'évèque de Nevers. Les paroisses de Montaron et de Pouligny se réunifièrent vraisemblablement en 1647.

Suite à la disparition du canton de Montigny-sur-Canne, la commune va être rattachée au canton de Moulins-Engilbert en 1793, cette organisation ayant été confirmée en 1800 (an VIII). Le Domaine d’Antot, Les Boulats, la Vendange, Drazilly, Les Loges, Les Baudraies, Saint-Firmin, etc, sont autant de fermes historiques liées à la déforestation partielle de la région, du moins dans ses parties les plus fertiles : en dehors de l'élevage des bovins, on y cultive aussi céréales et oléagineux. Bon nombre de ces fermes sont toujours en activité, y compris celles enclavées dans la forêt. Le bourg paroissial et administratif est même plus petit que les agglomérations de Creule et de Pouligny, Creule ayant même été le siège d'une communauté de parsonniers dont le chef, Benoît Mathé, fut affranchi par Jean de Reugny en 1627. Quant au Sud et à l’Est de la commune, entièrement recouvert de forêt, il est presque intégralement dépeuplé : la frontière communale d’avec la commune de Thaix, canton de Fours, passe en pleine forêt, dans le vallon de la Ridagne, en forêt Domaniale de Buremont, au Sud des Faulettes, dont la partie montaronaise dépasse les 647 ha. À l’entrée de la forêt, à l’ouest de la parcelle 67, se dresse un vénérable chêne, vieux de plus de trois siècles : c'est le chêne du Tiers. Cet arbre vénérable est un lieu de sinistre renommée malgré son ombre aujourd’hui si fraîche. Il aurait servi de gibet durant la Révolution. Vérifiez donc si la mandragore ne pousse pas à son pied... Ce chêne rouvre culmine aujourd’hui à 15 mètres et affiche une circonférence respectable de 4,65 mètres. Le domaine forestier du Château de l’Echelle, sur le canton de Fours, actuellement en ruine (il brûla en février 1936), n’est que le prolongement méridional du domaine de Buremont dans un paysage de grande solitude. Forêt de plaine, dont certaines parties étaient réservées aux "Usages", c’est un bel ensemble de chênes, de charmes et de hêtres, élevés en futaie dans ses partie les plus nobles avec quelques résineux, et une belle réserve de chasse... et un bon repère pour la Résistance - le maquis de Fours-Montaron ou maquis Lacharme. En effet, le 10 juillet 1944, 23 maquisards tombèrent au domaine de Chevannes sous le feu des allemands qui y mirent le feu, ainsi qu'à la ferme de Saint-Firmin et autres lieux où se repliaient les "Terroristes". Des scènes d'une rare violence furent perpétrées depuis Decize par le major allemand Rosenbrück. La stèle des maquisards, devant le monastère du hameau de Corcelles, témoigne à jamais de ces hauts faits d'armes.

Peu de routes : hormis l’axe Vandenesse-Cercy-la-Tour qui passe par Pouligny, les axes Pouligny-Fours et Poussery/Chevannes-Vandenesse en sont les deux seuls carrossables. Les autres voies sont des culs-de-sac prolongés par des routes non asphaltées ou chemins agricoles appréciés des promeneurs. Montaron, via une association touristique, a fait de grands efforts pour eux en proposant des circuits pédestres à travers le bocage et les bois. Une chaussée romaine reliant Saint-Honoré à Decize y est encore perceptible. Et une importante partie de la chaussée reliant Bourges à Autun a été découverte par Saint-Venant, par différenciation végétale, dans les bois de Montaron.

Sur le plan économique, on sera surpris d’une assez bonne diversification des activités dans un milieu qui ne tolérerait a priori que des activités sylvo-pastorales. Si ces activités dominent effectivement, notamment avec la Chambre syndicale des bûcherons de la commune de Montaron et communes limitrophes (23 membres), basée à Creule, on y voit également des restaurateurs, des professions libérales (traducteurs,...), des commerçants, il est vrai, surtout sur l'axe Vandenesse-Cercy-la-Tour. Mais, comme on le verra plus loin, Montaron est aussi le siège de manifestations culturelles et touristiques. N’oublions pas que Montaron n’est pas loin du Morvan et de son Parc Naturel Régional.

Montaron serait l'une des communes dont la fraction âgée de la population est la plus importante du canton, avec bien sûr, celle des retraités. A l'inverse, la commune connaît un déficit patent de jeunesse. Le niveau d'instruction est particulièrement bas : suivant le recensement de 1999, plus de 80 % des montaronnais ne dépasseraient pas le niveau du C.A.P. ou du B.E.P. Quant à l'école, du 19ième siècle, que l'on peut toujours voir près de la Mairie, en marge occidentale du bourg, elle est le souvenir d'une commune qui, comme bien d'autres, a eu ses "enfants de la campagne", à la suite de l'école de Creule qui, longtemps abandonnée, construite dans une vieille maison de chaume et de torchis, fut finalement détruite par un incendie à la fin du 18ième siècle. Elle a été, pour la partie filles, transformée en salle polyvalente. Une amicale des anciens élèves de cette école a été créée en 2005, visant à l'entretien des souvenirs des bons vieux temps de la communale.

L'HISTOIRE DE POUSSERY (domaine, familles, château, ferme-école, enseignement agricole - les Salomon-Cohen)

Dans un environnement de forêts et de bocage, on tendrait à oublier que Montaron a également une histoire : les seigneurs Bidault de Monteran et la communauté religieuse des bénédictins, sise au prieuré Saint Barthélémy à Chevannes, y exerçaient une double autorité jusqu'à ce que le chevalier Pierre Le Bidault ne s'embarquât pour la croisade à Aigues-Mortes en 1248. Les seigneurs de Vandenesse y avaient des terres, tel Louis-Thomas du Bois de Fienne-Olivier, chevalier, seigneur et marquis de Vandenesse et de Leuville, lieutenant général des armées du Roi et gouverneur de Charlesmont, avant les Taleyrand. Les seigneurs de Poussery, qui réunirent dès le 17ième siècle la plupart des fiefs et seigneuries, y avait droit de ban et de haute, moyenne et basse justice. Parmi eux - car l'histoire foncière de Poussery est très complexe -, on retiendra celui de la dynastie des du Bois d'Aisy qui mouvait de la châtellenie de Decize, de Savigny-Poil-Fol, de Moulins-Engilbert, également seigneur du Bois ou du Boux et d'autres lieux. Aux 15ième et 16ième siècles, la terre de Poussery, avec quatorze (14) étangs, était divisée en deux fiefs dont l'un appartenant à Jean le Bidault de Montaron et l'autre à Jean du Bois d'Aizy, dit de Lanty, écuyer, époux de Philiberte du Tremblay, qui possédait bien d'autres lieux (entre autres Pouilly, Marcilly, Dompierre, la Motte Scia...) et disposait d'une maison forte à Lanty, d'où son surnom. Une moitié indivise de la terre de Poussery appartint à Louis de Beaufort, comte d'Alais, les droits respectifs ayant été transigés par Jean du Bois d'Aizy avec le seigneur de Vandenesse en 1456. Une partie du fief reviendra à Antoine de Courvol, seigneur du Tremblay, Isenay, Poussery, Montaron, Thaix et Favray, lequel eut une fille, Jeanne, dame du Tremblay, qui devait épouser Jacques de Reugny, seigneur de Lancray. Cette division va, avec quelques restructurations intervenues notamment par le mariage d'Anne Charlotte Reignier de Guerchy avec Jean de Reugny, seigneur du Tremblay et de Poussery, pratiquement perdurer jusqu'à la première guerre mondiale. Les fiefs de Poussery et de Bazois étant par ailleurs une suzeraineté des seigneurs de Vandenesse, ceux-ci furent, suite à une restructuration d'alliances matrimoniales, saisis au début du 17ième siècle par ces derniers pour la mise en sécurité des fiefs de Saint-Pierre-le-Moûtier. En effet, Anne de Giverlay (? - 1620), dame de Poussery et d'Aunay, veuve de Claude de Régnier, seigneur de Guerchy, fille de Jean de Giverlay et de Marie de la Blossière, se remaria avec Louis de Régnier, son frère. Celle-ci répliqua vivement le 13 mai 1606 auprès du seigneur de Vandenesse, messire Pierre du Bois, seigneur de Fontaine, le Plessis, de Fienne et autres lieux, et de son épouse Françoise Olivier de Leuville, et une cérémonie de foi-hommage fut reçue chez lui sans condition.

Hormis l’église déjà citée, qui témoigne d’une implantation humaine très ancienne, ce sont les château, pigeonnier et moulin de Poussery qui, à l’Est de Creule, ont été construits sur le Ru de Chevannes ou à proximité. Une motte féodale se situait à proximité, au lieu-dit des Guillemettes, et le nouveau château servit plus d'une fois de refuge pendant la guerre de Cent-Ans. Le moulin de Poussery a, sous l'Ancien Régime, été exploité, notamment au dix-septième siècle, par Pierre Durand, meunier, qui eut maille à partir avec Louis de Reugny, puis, dans le dernier quart du dix-huitième siècle, a été longtemps occupé par un chirurgien et marchand, Léonard Chevret. Le château, qui était encore identifié de "Maison Forte" par le terrier de 1766, daterait du 15ième siècle, profondément remanié au 17ième siècle avec la construction des communs au 19ième siècle, soit pendant la période "scolaire" de la propriété. Sa grosse tour, c'est-à-dire ce qu'il reste de l'antique maison-forte, est appelée Champlevoix, nom d'un fief ayant appartenu au 16ième siècle, avec Maligny, à Philippe de Ferrière, dont un frère, François, fut en 1516 chambellan du Duc Charles, connétable de Bourbon. En 1585, la terre de Montaron passe, par Béraude de Ferrière, épouse de Jean de la Fin, à Catherine de Loron, épouse de Charles de Reugny, seigneur du Tremblay. Le domaine de Poussery restera donc désormais, bon an mal an, une possession, directe ou indirecte, des de Reugny jusqu'à la Révolution. Avant la Révolution Française, il était la propriété de messire Anne-Edouard de Reugny, chevalier, seigneur de Poussery, Montaron et d'autres lieux, qui fut inhumé un certain 19 décembre 1772 dans le chœur de l'église de Montaron. Il était le fils d'un autre Anne-Édouard et de Gabrielle Millot de Monjardin, seigneur de Pouligny, Poussery, Le Bazois et autres lieux, et avait une soeur, Gabrielle de Reugny, et un frère, Georges, dont nous reparlerons. Le fief de Poussery, dénommé comme tel par Marolles dès 1396, a longtemps été vassal de celui de Vandenesse mais le fief de Mussy, "villaige de Saisy", sur la paroisse de Montaron, était vassal de Poussery. Puis, par son mariage avec Gabrielle de Reugny, il passa à un certain Pierre Etienne Bruneau, d'une noble famille nivernaise dont les armes sont "d'azur, à la fasce d'argent, chargée de trois merlettes de sable et accompagnées de trois étoiles du second émail", mousquetaire, chevalier, seigneur de Fourchaud, Rochefort et Champlevrier et autres lieux, marquis de Vitry-sur-Loire, baronie détenue par la famille Bruneau depuis 1714 par Pierre Bruneau, son grand-père, marié en 1738 avec Marguerite de Jarsaillon, chevalier d’honneur du Châtelet de Paris, seigneur de Champlevrier et autres lieux ; en 1779, Pierre Etienne avait acheté le domaine de Chigy, près de Luzy, à la famille du Crest ; il ne devait guère jouir de ce domaine du fait de la Révolution intervenue dix ans plus tard, période où il vota au bailliage d'Autun et se fit représenter à l'élection des députés de la noblesse en l'église de Montigny-sur-Canne. Son défunt père Denis Robert Bruneau (1704 - ?), baron de Vitry, était écuyer, chevalier d'honneur au Parlement de Paris, lieutenant de dragons au régiment de Beaufremont, également seigneur de Champlevrier à Chiddes et d'autres lieux ; il s'était marié en 1737 avec une femme d'origine bourbonnaise, Louise Hugon de Pouzy ; par les de Reugny, Pierre Etienne avait, suivant le terrier de 1764, des terres dans les paroisses de Montaron et de Pouligny, à Champrobert, Bazois, Drazilly et au Tremblay, sur les terre et paroisse d'Isenay, et, par les Bruneau, à Champlevrier à Chiddes. En fait, le château lui revenait de Gabrielle de Reugny (1751 - ?), sa cousine, qu’il épousa le 30 juin 1773, château et domaine dont il fit hommage à Château-Chinon la même année. Elle avait hérité du domaine de Poussery par son frère Georges, décédé en 1780. Avec elle, il eut six enfants, dont Gabriel Denis Robert (1774), Marie Philippine (1778), qui devait se marier avec Annibal Jean Pierre Denis Philibert Thiroux de Saint-Félix, Louis Antoine François (1780 - 1827), dont nous reparlerons ; Louis Marie Gabriel César Anne Elisabeth (1781), qui devait, en 1809, se marier en première noce avec Madeleine Millot de Chauvence, et en seconde avec Virginie Marie Clémendot ; Henriette Pierette Madeleine Euphrasie (1783 - 1885), qui devait se marier en 1809 avec Paul François Sallonnyer de Chaligny (1770 - 1830), ancien sous-préfet de Château-Chinon ; et Louis Alexandre (1784). Ce dernier, mort prématurément, était absent lors de la restructuration foncière de 1823 qui a précédé la mort de Pierre Etienne. Dame Gabrielle de Reugny, petite-fille de Jean de Reugny et de Charlotte Reignier de Guerchy, descendait de la grande lignée des seigneurs du Tremblay, sur la terre d'Isenay, et son frère, Georges de Reugny, chevalier, seigneur et baron du Tremblay, habitait alors à Poussery, ce à la suite d'Anne Edouard de Reugny, le frère de Gabrielle et de Georges, tous descendant d'Anne Edouard père et de Gabrielle Millot de Montjardin. Anne-Edouard père avait un frère, Louis-Alexandre, qui récupéra le château et le domaine du Tremblay à Isenay.

Comme bon nombre de nobles de l’époque, soit une centaine sur le Nivernais, Pierre Etienne, suite à des attaques proférées contre lui pendant quatre heures au cours d'une assemblée primaire, émigra en 1792 avec son domestique Jean Bailly, originaire de Nourry, en y abandonnant sa femme et ses six enfants. Il fut inscrit sur la liste des émigrés, ce qui dans la loi révolutionnaire, voulait dire "traître" à la patrie, et sa femme fut, pendant la Terreur, assignée à résidence à Moulins-Engilbert avec ses six enfants. Elle fut libérée le 10 novembre 1793 avec l'injonction de divorcer, sous peine de retourner en prison. Inutile de dire que les biens, ainsi que ceux, plus modestes, de son domestique, furent vendus comme Biens Nationaux. Avec la loi de 1802 permetant le retour des émigrés, le château et une partie de son domaine furent repris par Louis Antoine de Vitry (1780 - 1858), troisième fils de Pierre Etienne et capitaine de cavalerie puis officier d'Etat-Major de son état, qui aura une vie sentimentale agitée : marié en première noce avec Louise du Verne (? - 1851) en 1807, d'une des plus anciennes famille de la noblesse nivernaise, famille de militaires de l'ancienne France, avec qui il aura trois enfants, puis avec Antoinette du Perthuis en 1812 et enfin, en 1816, avec Agnès Louise Aglaée du Pré de Saint Maur (1795 - 1827), fille d'un maître des requêtes en la chambre du Parlement de Paris. En effet, Gabrielle de Reugny, marquise de Vitry, restée "femme Bruneau", ne réussit pas à racheter le château, si ce ne furent quelques terres et bois à Chiddes et Larochemillay. Car ce n'est qu'après avoir été rayés de la liste des Emigrés, et après avoir prêté serment de fidélité à la constitution de l'An VIII, que le couple retrouvera une partie de ses biens, dont le domaine de Champlevrier à Chiddes qui, par Marie Philippine, devait revenir à la famille Thiroux de Saint-Félix dont un des fils, Raoul (1829 - 1891), fut maire de cette commune. Louis de Vitry, déjà possesseur d'une partie des biens de Poussery, récupérera, en 1813, ceux du Tremblay, sur Isenay, à la mort d'Anne-Elisabeth de Reugny (1738 - 1813), que celle-ci, sans descendance, n'occupait déjà plus depuis longtemps. Les troupes du lieutenant Hauber ayant occupé la région après la défaite de Waterloo en 1815, l'état-major étant basé à Moulins-Engilbert, le marquis de Vitry logea en son château son capitaine, le capitaine de Ringler. Cette période trouble ayant considérablement déstabilisé la noblesse d'Empire à laquelle appartenait Louis de Vitry, et Pierre Etienne se sentant partir, un "traité" est alors passé à Nevers en 1819 par devant Me Blondin-Valière entre Louis Antoine François de Vitry, qui représentait également ses frères et soeurs, et ses parents, Pierre Etienne et Gabrielle de Reugny, visant à la réorganisation de leur biens. Car Louis Antoine de Vitry avait déjà de sa première union trois enfants, Henriette Philippine (? - 1851), qui devait se marier en 1833 avec Pierre Ernest Bouez, comte d'Amazy, Louis Gabriel Alfred, marquis de Vitry (1810 - 1866), Etienne Edouard, qui devait se marier avec Claudine Anne Catanio. Louis de Vitry, réinvestissant pour sa postérité dans la construction du château de Chiddes à l'emplacement de la maison forte d'origine (dont il ne subsistait qu'un corps du logis en 1792), vendra en bloc tous ses biens issus des de Reugny entre 1820 et 1825, la partie du domaine de Poussery, sur Vandenesse, revendiquée après la Révolution par le prince de Chalais, de Vandenesse, Augustin Marie Elie Charles (1788 - 1879), duc de Périgord, passant alors à celui-ci, suivant une vieille revendication territoriale datant des Beaufort-Canillac, et l'autre partie, sur Montaron, la plus importante et incluant le château, à l'exception de quelques terres restées aux Taleyrand, au marquis André Emmanuel Jean Baptiste, dit Emile de Leusse (1766 - 1829), qui, avec son épouse Pauline de Saisseval (1790 -1834), sa troisième épouse après Aglaée Le Clerc de Fleurigny et Caroline des Courtils, mena une politique de grande charité chrétienne. Ainsi créa-t-il une rente de cent (100) mesures de blé en faveur des pauvres de la commune de Montaron. Ainsi sauva-t-il, en 1824, de sa grande précarité l'hospice de Moulins-Engilbert avant son transfert au couvent des Ursulines. Ainsi permit-il la reconstruction de l'hôpital Saint-Jacques de Luzy, puisqu'il était également propriétaire du domaine de Chigy. Ainsi fit-il don en 1827, deux ans avant sa mort, à la paroisse d'une partie des bâtiments lui appartenant, à condition qu'ils ne fussent habités "que par un prêtre catholique". Cet ancien militaire de souche dauphinoise, chevalier de l'Ordre de Malte, avait des biens à Bourgvilain en Saône-et-Loire et était le fils aîné de Jeanne Antoinette de l'Aube (1744 - 1831) et de Louis de Leusse, baron de Corcelles, ce dernier né à Vienne en 1737 et exécuté sur la place des Terreaux à Lyon en 1794. En effet, en 1789, Emile de Leusse commandait une compagnie de Monsieur avant d'émigrer puis de revenir en France. Il avait deux filles, Louise Françoise Lucie, dont nous reparlerons, et Jeanne-Louise-Hortense qui, parisienne de naissance, devait épouser en 1827 un certain Jérôme Frédéric Bignon (1799 - 1877) : c'était un militaire, chevau-léger sous la Restauration, puis capitaine au 1ier régiment de Carabiniers, enfin, en 1829, maréchal des logis aux Gardes du Corps du roi, compagnie de Noailles. Son père, Armand Jérôme (1769 - 1847), seigneur du Rozel et de la Meauffe, était conseiller particulier et bibliothécaire du Roi et mourut au manoir du Rozel, près de Cherbourg (Manche). Jérôme Frédéric avait reçu de son beau-père le domaine de Chigy qui appartenait avant la Révolution aux Bruneau de Vitry, où mourut en 1866 l'un de ses fils, Jérôme-Eugène Bignon. Quant à la famille Bruneau de Vitry, Louis de Vitry ayant décédé en 1827, elle devait, par la descendance d'Etienne Edouard et de Claudine Anne Catanio, s'éteindre définitivement en 1887 après les lignées non filiatives de Pierre Etienne Robert Bruneau, vicomte puis comte de Vitry (1846 - 1887), natif de Laizy vers Autun, époux en 1875 d'Adélaïde Louise Bataille de Mandelot (1854 - 1894) et de Marie Modeste Bruneau, marquis de Vitry (1797 - 1868), époux d'Eléonore Gabrielle Françoise Dorisy (1826 - 1854), native de Beaune. Ce dernier habitait alors à Saint Gratien-Savigny et avait été lauréat du concours général d'agriculture en 1860.

Dans l'optique testamentaire du marquis de Leusse, reprise par ses descendants, une congrégation religieuse d'enseignants, celle des frères de Saint Viateur, s'installa en 1836, avec le soutien du Conseil Général, en la ferme de Drazilly, un ancien arrière-fief de quarante-deux hectares (42 ha) intégré dès 1781 au domaine de Poussery, qui gérera un "asile agricole" plutôt rudimentaire de quinze (15) à quarante-cinq (45) lits, puis, devant la remarque en 1853 du Conseil Général sur « le peu d'espace des salles où sont enfermés les enfants », à nouveau réduit à quinze (15) lits, mais, malgré une demande de la Nièvre formulée dès 1844, des fonds de premier établissement de la Ferme-Ecole votés en 1845 par le Conseil Général, une fondation officielle le 25 mai 1846 par ce même Conseil Général et des subventions accordées dès 1848 par l'Assemblée nationale, fermera malheureusement assez rapidement, en 1855, faute de financements suffisants et un an après l'épidémie de choléra qui affecta toute la région ; avec l'avis du Conseil d'Etat du 20 juin 1843 portant assimilition des orphelins pauvres avec les enfants trouvés et abandonnés - il y eut ainsi jusqu'à vingt-cinq (25) colonies d'orphelins en France et en Algérie -, il fallait avant tout éviter le vagabondage des enfants abandonnés, notamment ceux dits du choléra, et l'établissement scolaire agricole fondé, avec l'aval de la Société Centrale d'Agriculture, par Louis Salomon, régisseur des de Raigecourt dont nous reparlerons, en binôme avec l'asile, put finalement accueillir de cinquante (50) à soixante (60) enfants, apprentis et orphelins-apprentis. Parmi eux, un certain Charles Delahaye Le Bouis, fils d'une riche famille commerçante, dont nous reparlerons. Vingt demi-bourses furent accordées par le département, immédiatement utilisées par des élèves issus de villes nivernaises. Cette ferme existe toujours, au terme d'un chemin rectiligne débouchant sur la droite, par rapport à l'actuelle D120 en remontant de Poussery vers les Coques et Vandenesse, actuellement gérée par la famille Beugnon. Quant à la ferme-école dont nous parlerons, qui fonctionnait en binôme avec l'asile de Drazilly, fondée en mai 1845, notamment avec l'aide de M. Dupin, qui s'intéressait beaucoup à l'agriculture et, à sa naissance, n'en dit que du bien dans son discours au Comice de Tannay de 1843, elle bénéficiera d'un sursis et déménagera en 1867 pour la commune voisine, Rémilly.

Pourquoi cette évolution, c'est qu'entre temps, le domaine de Poussery était passé, à la mort d'Emile de Leusse en 1829, par le mariage en 1825 d'une de ses filles, Louise Françoise Lucie (1806 - 1828), à Raoul Paul Emmanuel (1804 - 1880), marquis de Raigecourt-Gournay, fils d'Anne Bernard Antoine et de Marie de Vincens de Causans, sous-lieutenant dans les dragons de la garde royale, page de Charles X, Pair de France en 1845, chevalier de la Légion d'Honneur, qui chercha à le mettre en valeur. Celui-ci avait connu des difficultés financières et son épouse avait bénéficié d'une avance sur héritage du marquis de Leusse à son mariage, celui-ci s'étant réservé l'usufruit du domaine jusqu'à sa mort (qui devait intervenir en octobre 1829). Contrairement au marquis de Leusse, les de Raigecourt, de souche lorraine et résidant surtout à Paris, notamment après le décès prématuré de Lucie en 1828 et un second mariage qui suivit avec Gabrielle Honorée Flavie Lefebvre de Balsorano (1813 - 1843), ne l'habitaient plus en permanence, et, plutôt que d'embaucher un régisseur à temps plein, avancèrent alors l'idée, conforme aux convictions très "agrariennes" de Raoul Paul Emmanuel, d'une économie charitable par la mise en place de cette forme d'orphelinat destiné aux enfants abandonnés de la campagne et de Paris, géré par la congrégation religieuse, couplé avec la ferme-école qui allait devenir, officiellement dès 1846 et confirmé par le décret du 3 octobre 1848, l'école d'agriculture de Poussery, financée par le département - orientée, suivant les voeux d'Adolphe de Bourgoing, essentiellement vers l'élevage et que certains virent comme une entreprise de destruction ou d'altération de la race bovine charolaise. Cette initiative, alliant un propriétaire et une société fermière fondée en 1843, dotée d'un cheptel de 25.000 frs, d'un capital initial de 30.000 frs en 1843 portée peu après à 72.000 frs, et d'un Conseil de Surveillance, sous le patronage de la Société d'Agriculture, une des toutes premières constatées en Bourgogne et Franche-Comté, avait un précédent et Raoul Paul Emmanuel de Raigecourt s'accordait en de nombreux points aux idées du marquis d'Andelarre, Jules-François de Jacquot Rouhier (1803 - 1885), magistrat puis député de la Haute-Saône de 1852 à 1870, représentant de l'Assemblée Nationale en 1871, qui avait fondé une ferme modèle en son domaine d'Andelarre (Haute-Saône) dans laquelle il se prêtait même à donner des leçons d'agriculture aux élèves de l'Ecole Normale de Vesoul (Haute-Saône), et cette ferme modèle allait devenir une ferme-école dès 1851. Concernant l'initiative nivernaise, un prêtre se dévoua particulièrement à cette cause, contemporain et compagnon, au séminaire, du Curé d'Ars, le Père Louis Marie Joseph Querbes (1793 - 1859), fils de petit paysan aveyronnais, né à Lyon, fondateur en 1831 des Clercs de Saint-Viateur et en 1839 de la Société Charitable des Ecoles de Saint Viateur, obsédé par l'enseignement de la doctrine chrétienne à des enfants a priori peu réceptifs à son message au travers de l'enseignement scolaire, comme il le faisait déjà aux enfants de la Providence de Dijon et de celle de Saint Irénée ; les Frères de Corbigny allaient reprendre cet enseignement aux plus de seize (16) ans.

Avec des aides de l’Etat et de la société d'agriculture du nivernais, patronant la société fermière de Poussery, alors dirigée par le comte de Moncorps et à laquelle participaient les de Raigecourt, une vacherie fut d'abord instituée à Poussery en 1835, les animaux achetés par le marquis de Raigecourt, qui ne subsistera cependant pas longtemps, car remplacée, en 1843, par celle de l'école d’agriculture qui allait recevoir les dédoublements de la vacherie du Pin, en Normandie : le domaine de l'école, soumise par la volonté du marquis de Raigecourt, membre de la Société d'Agriculture, détenteur d'enfants mineurs, à un bail de douze (12) ans, s'étendait initialement sur quatre-cent-un hectares (401 ha), se composait de six (6) secteurs, de trois (3) "manoeuvreries" et d'une réserve composée en grande partie de labours et de prés ; les six secteurs, d'une contenance de 250 ha, furent destinés au "colonage", la réserve, de 151 ha, fut attribuée à la ferme-école proprement dite, à laquelle se rattachera, entre juin 1843 et avril 1844, la vacherie Durham par dépôt initial par l'Etat, qui encourageait une politique de croisement entre la race anglaise et les races françaises, de deux taureaux et douze vaches Durham provenant de l'Ecole Vétérinaire d'Alfort (connues actuellement sous le nom de Shorthorn), et de cinq animaux Durham achetés d'Angleterre, dans la foulée du comte de Bouillé, initiateur sur la Nièvre de cette politique de croisement, par le Vicomte Paul Benoît d'Azy, qui, après une période de développement prometteur avec trois mâles et vingt-deux femelles, va peu après faire l'objet d'économies ; pourquoi, si ce n'est qu'avec la vacherie du Pin, en Normandie, on n'avait pu vendre sur les deux-cent-quinze (215) animaux comptabilisé au 1er janvier 1847, que dix-huit (18) taureaux reproducteurs ; ce faible taux s'explique par des résultats très peu encourageants, en particulier à Poussery : en quatre ans, sur 68 femelles en âge de produire, 27 ont donné 27 vaux, soit 39 pour 100 ; 7 ont été en état de gestation, soit 10 pour 100 ; 29 sont restées infécondes, soit 42 sur 100 ("Annuaire des cinq départements de l'ancienne Normandie", 1851). Sur un autre plan, les parties destinées aux "colonage" ont été augmentées d'un potager de 17 ares 30 centiares et chaque colon recevait de la part de l'école une pioche et une pelle, les orphelins jouissant du mobilier aratoire et du patrimoine animalier de l'école, vingt (20) chevaux, vingt-et-une (21) vaches, vingt (20) vaux, deux-cent-quarante (240) brebis, neuf (9) truies-mères... En fait, le niveau de cette école était celui d'une école primaire ("l'institut primaire agricole") à l'adresse de la paysannerie locale, et les enfants de l'asile (entre cinquante et soixante enfants dénombrés), au demeurant boursiers du département ou de personnes charitables, y avaient naturellement droit de cité ; avant tout, il fallait en faire "de bons maîtres-valets et de bons métayers", peu exigeants sur l'alimentation et le confort, le métayage étant perçu comme plus profitable au propriétaire que le fermage, celui-ci pouvant participer aux "bénéfices de conjoncture". Mais, en 1849, des voix s'élevèrent contre la nourriture "dégoûtante" et, concernant les apprentis, des "travaux au-dessus de leur force". Les orphelins, au fur et à mesure de leur développement et instruction, intégraient progressivement la ferme-école. Là encore, ces mêmes voix s'élevèrent contre une "instruction primaire et théorique [...] tout à fait négligée" (Observatoire National de l’Enseignement Agricole, édition 2001, p. 39).

Primitivement, l'établissement de Poussery se divisait en quatre parties distinctes : la ferme-modèle, l'école d'agriculture, la vacherie Durham et l'asile de Drazilly. Des bâtiments furent construits dès 1844 pour l'école proprement dite aux frais du Conseil Général. Un certain Louis Rousseau Salomon-Cohen (1794 - 1876), que les gens appelaient communément Louis Salomon, déjà nommé, natif de Marseille de Salomon Cohen (1749 - 1833) le 26 vendémiaire de l'an 3 , propriétaire et négociant, et de Thérèse Maximine André (1756 - 1839), épousée en seconde noce en 1794, fille d'un aubergiste, Joseph André et de son épouse Rose Veirery, avait été nommé à Grenoble vers 1825 comme employé à la direction des contributions directes puis, après avoir installé son épouse, Césarine Boisset, enceinte d'un troisième enfant, à Marseille, fut muté en 1831 à Cercy-la-Tour, dans la Nièvre. Ne voulant sans doute plus subir mutation sur mutation, et ayant trouvé la région à son goût, il quitte alors son emploi de percepteur, sur la proposition du baron Sellière, banquier et agronome en affaire dans la région, pour s'établir avec son épouse et ses trois enfants à Rémilly, en 1832, bientôt rejoint par sa mère Thérèse André au lendemain de la mort de son mari à Marseille en 1833, comme régisseur au domaine de la Boue pour le compte de la banque Sellière à Paris, agriculture et verrerie, près de Fours, et va être nommé maire de cette commune de 1836 à 1843. Les questions agricoles l'intéressent alors et très vite, il adopte les idées agronomiques de Mathieu de Dombasle (1777 - 1843), initie le projet de Ferme-Ecole pour lequel il s'enthousiasme et, partisan dès 1835 d'un métissage Charolais-Durham, fut directeur et théoricien agricole de l'école de Poussery, et directeur de l'orphelinat de Drazilly dès 1843 - devenu propriétaire-agriculteur, il devait alors être nommé maire de Montaron de 1855 à 1864 en même temps que d'être appelé au jury d'expropriation de la Nièvre jusqu'en 1864. Son fils, Adolphe Ambroise Salomon-Cohen (1827 - 1907) dont nous reparlerons plus en détail par ailleurs, initialement ingénieur civil de l'Ecole Centrale des Arts et Manufacture à Paris, ancien élève de l'Institut Agricole de Grand-Jouan, fondée en 1830 par Jules Rieffel et Charles Haëntjens, sur la commune de Nozay, près de Nantes (Loire-Inférieure), et alors jeune fermier des de Raigecourt, en sera, dès 1843, le surveillant-comptable puis, son père devant s'occuper des affaires de la commune dès 1855, sous-directeur, responsable du développement technique (brevets...) et de la baisse des coûts, et notons que le petit-fils, Louis Albert, natif de Montaron en 1858, qui avait été élève de la ferme-école avant de poursuivre à l'Ecole de Grignon, aidera son père comme chef de pratique dès 1875 puis sous-directeur à l'école de Rémilly dès 1886, s'installera comme agriculteur à Rémilly en 1887 suite à la fermeture de cette école, avant de s'expatrier avec son père à Paris, vers 1890, pour exercer ses talents d'ingénieur agronome comme conseiller agricole dans la Seine avant de reprendre une exploitation agricole dans l'Aisne puis dans la Vienne - il décédera finalement à Cosne, dans la Nièvre, en 1910. M. Chamard, diplômé de l'école de Grand-Jouan (Loire Inférieure), propriétaire par ailleurs, fut, aidé de son fils, directeur de la vacherie royale et un certain Jean Baptiste Avril (1778 - 1861), ancien militaire (il quitta l'armée en 1821), chevalier de la Légion d'Honneur en 1810, Chevalier de l'ordre Royal et militaire de Saint Louis en 1819 et président du tribunal de commerce de Nevers, auteur d'ouvrages et d'articles pertinents, passionné de comptabilité et de statistiques agricoles (il gérait lui-même son domaine des Saulaies), très actif dans les associations charitables, en fut le trésorier et l'un des administrateurs, membre du Conseil d'Administration. Venant de la Chambre Consultative des Arts et Manufactures dont il avait eu la présidence, il ne voyait, suivant une étude d'André Thuillier publiée en 1969, aucune opposition entre l'industrie et l'agriculture. Il avait été, dès 1842, l'un des premiers à proposer une société d'assurance mutuelle contre les gelées, la grêle et la mortalité du bétail, et la création d'une ferme-école lui donna l'occasion de valider ce projet. Quant à Louis Salomon, qui avait accepté la fonction de directeur d'établissement, il avait, en tant que fermier des de Raigecourt, pris en main l'exploitation à ses risques et périls, à sa charge de choisir les professeurs et les employés, de décider du logement et de la nourriture des élèves, et recevait pour lui personnellement, en échange des sacrifices de temps et d'argent, souvent considérables, une somme annuelle de 2.400 frs de l'Etat, somme qui lui sera retirée au propfit de son fils lors de sa nomination à la commune de Montaron en 1853, son titre de directeur demeurant cependant avec, associée à ce titre, la responsabilité juridique de l'établissement. Ainsi, dès 1849, le Conseil Général lui recommanda l'emploi de "Maîtres de Village" pour l'enseignement de la petite culture et du jardinage. Pour la partie technique et scientifique, l'enseignement fut confié à Jean Maréchal, vétérinaire à Moulins-Engilbert - lequel n'était que parcimonieusement payé par le département. L'enseignement religieux fut assuré par le curé de Vandenesse et de Montaron, vraisemblablement Jean-Baptiste Soubrier (? - 1873) à partir de 1845, l'enseignement scolaire et la surveillance des enfants furent assurés par deux frères de Saint-Viateur. Un médecin fut attaché à l'établissement, une femme s'occupa de la lingerie et des repas. Enfin, pour propager les bonnes idées en agriculture, la ferme-école de Poussery édita un "Bulletin" qui devait prendre dès 1845 le nom d'"Annales de Poussery, Journal d'Agriculture du Département de la Nièvre". Ces Annales, éditées sous la responsabilité d'Adolphe (Pierre Prudent) de Bourgoing (1797 - 1880), ancien garde du corps de Louis XVIII ayant fait la campagne d'Espagne de 1823, agronome, notable légitimiste nivernais alors directeur de la Société Départementale d'Agriculture, Avril en étant le secrétaire, rédacteur en chef des Annales, assisté de Louis Salomon, secrétaire-rédacteur, directeur de l'école dont nous reparlerons, devaient paraître jusqu'en 1867. Ajoutons enfin que, pour la culture des élèves, la ferme-école s'était dotée d'une bibliothèque.

Bref, entre autres activités, on tenta, avec l'aide de l'Etat, d'améliorer la race charolaise, plus lente au développement, par les races anglaises, plus rapides, mais le mélange des deux espèces, prometteur dans les débuts, fut, comme on l'a vu, un échec ; la grande bourgeoisie terrienne, comme les de Raigecourt, voyait en l'élevage, notamment de bovins et d'équidés, une activité noble et socialement valorisante qu'il s'agissait de mettre en valeur sur la culture proprement dite, alors trop assimilée comme le lot du commun de tous les agriculteurs peu instruits. Les cultures de froments se développèrent pourtant considérablement en surface, rendement et donc en hectolitres - nous en reparlerons. Un four à chaux agricole fut construit à Poussery, qui fut suivi rapidement d'une dizaine d'autres dans la région immédiate. Plus positif, et à un moment où la France était très en retard par rapport à l'Angleterre, notamment en matière de drainage, un brevet de quinze (15) ans fut déposé par le sous-directeur, Adolphe Ambroise Salomon, en la préfecture de la Nièvre le 30 décembre 1856, et accepté pratiquement un an plus tard, le 18 novembre 1857, sous le numéro 2893, pour une technologie destinée à faciliter le drainage des terres et des prés, une très ingénieuse machine hydraulique à fabriquer des tuyaux à collet fixe pour laquelle Adolphe Salomon reçut une médaille de bronze et un quatrième prix déscerné au concours général agricole de 1860 par l'Académie d'Agriculture de France, ce après avoir reçu, en 1859, la médaille d'or au concours régional d'Auxerre ; celui-ci déposa un brevet de perfectionnement le 10 juin 1858 à Bruxelles et un "certificat d'addition" au brevet du 30 décembre 1856, le 22 juin suivant en la préfecture de la Seine et un autre brevet, le 30 mai 1859, auprès du secrétariat de préfecture du département de la Seine, pour un système de machine à mouler les terres, céramiques et autres matières plastiques. Cette recherche s'avérait nécessaire vue l'état de la technologie et la promulgation de nouvelles lois sur le drainage, et, pour y répondre, il n'y avait à l'époque, en 1853, que deux tuyauteuses à drainer existant sur la Nièvre, fabriquées à Fourchambault suivant une technologie ancienne, l'une ayant été achetée par la Société d'Agriculture de Nevers pour le compte de Louis Salomon, notamment pour sa tuilerie de Rémilly, et l'autre appartenant à un certain M. de Boigues qui fit des opérations sur sa propriété de Brain, très vite imité par bien d'autres propriétaires, notamment Charles Bonneau du Martray à Moulins-Engilbert et à Vandenesse. Les tuyaux fabriqués à Poussery pouvaient être acheminés par le Canal du Nivernais sur Nevers ou Clamecy avec un prix de revient maximum de 200 frs. Mais ces machines n'étaient pas très pratiques et une amélioration déterminante fut donc apportée par Adolphe Salomon ; la machine fut, dans sa première version exposée au concours de 1860, construite par l'entreprise parisienne Fauconnier et dans sa deuxième, exposée en 1867, par MM. Wehyer et Loreau, et c'est avec le nouveau procédé de tuyaux à colet fixe que des opérations concluantes de drainage ont été réalisées dans l'Allier, sur les terres de M. Narcisse Lafont, à Lurcy-Levy, où quinze hectares (15 ha) ont été drainées au printemps, sous la direction d'Adolphe Salomon. Ce brevet tomba malheureusement dans le domaine public en 1864 par défaut de paiement d'une taxe additionnelle de 100 £ avant l'expiration de la septième année ("The London Gazette", n° 25). Sans doute Adolphe Salomon pressentait-il la fin de l'école de Poussery et laissa-t-il son invention à d'autres plus ingénieux que lui. Plus positif aussi, plusieurs participations à des concours eurent lieu, de 1844 à 1849 pour le concours de Poissy sous la responsabilité de M. Chamard pour les animaux de boucherie, de Louis Salomon et de son fils Adolphe, notamment au concours universel agricole de Paris de 1856, où Adolphe Salomon reçu le premier prix pour un taureau de trente-quatre (34) mois de race bretonne pure, au concours national d'agriculture de 1860 avec l'exposition des machines brevetées et, en 1866, à Châteauroux, avec l'exposition des animaux et du matériel breveté. Enfin, comme au domaine de la Boue à Rémilly, les fameuses charrues de Roville, trop lourdes, ont été remplacées en 1866 par de plus légères, fabriquées par les usines de La Pique et d'Imphy. Là encore, Adolphe Salomon travailla à l'amélioration de l'outil et déposa, le 31 mars 1865, en la préfecture de la Nièvre, un brevet pour une "charrue à versoir périmétrique à gallet" (Bulletin des lois de l'Empire français, volume 28, p. 944), pour une durée de quinze (15) ans. L'expertise de l'école de Poussery a tout de suite eu des résultats puisque, des cent-treize hectolitres (113 hl) de froment récoltés en 1845, on passa à huit-cent-dix-sept hectolitres (817 hl) en 1852 avec un rendement qui est passé de onze hectolitres (11 hl) à vingt-cinq (25 hl) dans la même période (Rapport au Conseil Général de 1853). Mais, le choix de la ferme-école et la politique comptable du département n'ayant peut-être pas été très judicieux, le directeur de l'école, Louis Salomon, accusa déjà, de 1847 à 1848, une perte de 100 frs par élève sur une pension par élève de 275 frs, dont 200 accordés par le département : évidemment, lorsqu'un colon ou un orphelin de l'asile ne rapportaient pas plus de trois pour cent (3 %) de la terre travaillée, ce malgré les investissements initiaux du propriétaire. A la fin du premier bail de douze ans, le directeur avait déjà pensé à prendre une autre direction ; la "vacherie royale" de Poussery, après un dernier sursaut en 1851 où M. de Sainte-Marie l'avait reconstituée par un Durham de choix à robe blanche, devait définitivement fermer en 1855 après qu'on ait transféré un an avant son dépôt à Mably, dans la Loire, avec celui de la vacherie de Camp, dans la Mayenne, donnant ainsi des arguments à ceux qui soutenaient la race charolaise.

Mais la ferme-école de Poussery, qui n'avait plus les soutiens de la Société d'Agriculture et du département, fut reprise à son compte par Louis Salomon dès 1855 ; dépossédée en partie de son orphelinat, ainsi réduit à quinze (15) lits, et entièrement de sa vacherie, elle jouira cependant d'un sursis avec la signature d'un second bail de douze ans échéant en 1867 où, suivant la méthode comptable de Jean-Baptiste Avril, l'accent fut mis sur les méthodes de gestion et d'assolement, les voies d'accès, l'entretien des chemins, le charroi et la liaison avec les futurs chemins-de-fer, la rémunération des colons ; moindre budget oblige, l'amélioration génétique des bovins est abandonnée, le domaine pédagogique fut réduit à cinquante-trois hectares (53 ha). C'est au cours de cette seconde période qu'Adolphe Ambroise Salomon remplace son père - le 28 février 1863 -, à la direction de la ferme-école, qui participe au concours régional de Tours (Indre-et-Loire) de 1864. Il entreprendra le déménagement de l'Ecole à Rémilly. Quant à la Société Départementale de l'Agriculture, qui avait acheté en 1853, pour le compte de Louis Salomon, alors directeur de la ferme-école, la tuyauteuse à drainage, elle fut mise en sommeil de 1855 à 1863, jusqu'au transfert de l'école à Rémilly. Cela dit, suivant l’étude de Marcel Vigreux (1933 - 2001), membre de l’Académie du Morvan, professeur d’histoire à l’Université de Bourgogne à Dijon, Maire de Menessaire (Côte d’Or) jusqu'à sa mort, l'initiative renouvelée fut un échec. Les agriculteurs, apprentis ou orphelins, ne comprenaient pas le langage et les objectifs de ces demi-savants de l’agriculture. Après 1867, il n'y eut pas de troisième bail et le marquis de Raigecourt n'était plus convaincu de l'initiative. Les activités agricoles n'étaient pas assez modernisées, peu concurrentielles, éloignées des chemins de fer que l'on construisait. Pourtant, suivant Adolphe Salomon, dont les propos sont rapportés par le "Journal d'Agriculture Pratique" de J.-A. Barral, vol. 31 , n°1, p. 748, la culture du blé a donné un produit moyen de dix-neuf hectolitres par hectare (19 hl/ha) avec un prix de vente oscillant de 12 à 24 frs, et, selon lui, la hausse des salaires agricoles n'a pas entamé les bénéfices d'exploitation : la culture du blé, suivant Adolphe Salomon, rapporté par le Journal d'Agriculture Pratique de 1866, (Vol. 2, p. 119), serait rentable à partir de quinze hectolitres à l'hectare (15 hl/ha). L'usage à Poussery de la moyette, qui permet d'avancer la récolte de huit (8) à dix (10) jours et donc d'allonger la période de moisson, a permis de maîtriser la maturation des grains à moudre par rapport aux aléas du temps, et donc de leurs conditions de vente. Le seul problème reconnu sont les coûts de revient du transport des matières agricoles, qui serait trop élevé et mal géré, l'agriculture étant grosse demandeuse de moyens de transport efficaces, donc de voies de communication fiables et carrossables. Or le ruisseau de Poussery n'était passé qu'à gué par le chemin n°20 au niveau du domaine du même nom, gué impraticable en période de crue, et ce n'est qu'en 1884 qu'un pont en pierres allait être construit sur ce chemin. On attendait beaucoup des chemins de fer pour l'écoulement des produits mais la ferme-école s'avéra, après la construction de la ligne de Nevers à Chagny et de celle de Cercy-la-Tour à Clamecy, très vite mal située par rapport à leurs tracés et aux gares les plus proches. Et puis l'opinion agricole, et en particulier celle du canton de Moulins-Engilbert, dominée par de petits propriétaires très réfractaires aux nouvelles idées jugées trop onéreuses, a fait le reste et le rôle d'une ferme-école comme Poussery a été contesté, voire combattu ou boycoté par bien des familles agricoles... un seul élève provenant du canton de Moulins-Engilbert fut comptabilisé en 1850... et les trois dernières années. Suivant une opinion de plus en plus répandue, les fermes-écoles ne serviraient qu'à fabriquer des maîtres-valets arrogants et avides de pouvoir... Et pourtant... de cette période en sortit un certain Louis Berthault (1827 - 1896) qui, après s'être installé comme régisseur au domaine de Germigny près de Bourges (Cher) en 1855, se maria l'année suivante avec la fille aînée de Louis Rousseau Salomon-Cohen, alors maire de Montaron, et fut un temps nommé maire de la commune de Trouy, plus au Sud - natif de Glux-en-Glenne, son père François (1801 - ?), époux en 1822 de Reine Gauthé, était, tout comme son frère Louis à Villapourçon, boulanger à Glux avant d'oeuvrer comme entrepreneur des travaux public, et sa famille plongeait ses origines essentiellement à Glux, dans le Haut Morvan, avec des alliances à Villapourçon, la Rochemillay et Saint-Léger-sous-Beuvray (Saône-et-Loire) ; et un certain M. Sautereau (? - 1870), sorti de la ferme-école en 1853, qui, durant quatorze (14) ans, fut chef de culture chez M. Manuel en Indre-et-Loire puis régisseur, avec un certain Gilbert, des grandes cultures à l'Orfrasière, près de Nouzilly (Indre et Loire), domaine appartenant à la famille de Wendel, puis enfin négociant à Tours, élu membre titulaire à la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département d'Indre-et-Loire en 1867, présenté par MM Fennebresque, Blanchard et Letort - il mourut prématurément en 1870, en plein conflit franco-prussien ; ajoutons que le domaine de l'Orfrasière, près de Nouzilly, abrite actuellement un Centre d'action éducative et sociale dépendant du Service de l'Aide Sociale à l'Enfance, et une station de physiologie de la reproduction dépendant du Centre de Recherches de Tours de l'INRA.

Entre 1864 et 1867, la ferme-école de Poussery déménagea finalement sur la commune voisine de Rémilly, canton de Fours, désormais traversée par le chemin de fer de Nevers à Chagny, première commune d'adoption des Salomon-Cohen dont Louis-Rousseau a été maire de 1836 à 1843, - concrètement sur une terre affermée pour vingt ans de cent-soixante-neuf hectares (169 ha), dite la terre de Saint-Michel-en-Longues-Salles, connue comme telle en 1511, ancien fief de la chatellenie de Cercy-la-Tour, comprenant notamment sa ferme et son château, cinquante hectares (50 ha) de prés et soixante-et-onze hectares (71 ha) de bois, située à deux (2) kilomètres au Nord de Rémilly sur la route de Rémilly à Saint-Honoré-les-Bains ; initialement en mauvais état, elle appartenait à un confrère de métier, Georges de Champeaux de la Boulaye (1837 - 1895), domicilié à Couches (Saône-et-Loire), ingénieur civil à Autun (Saône-et-Loire), exploitant minier et agricole, membre avec son frère Joseph de la Société Eduenne d'Autun, d'une vieille famille noble liée par son père Paulin (1797 - 1875) aux Sallonnyer de Varennes et aux du Crest - terre qui fut louée dès 1864 avec la réactivation de la Société d'Agriculture, alors présidée par le marquis de Saint-Phalle. Cette terre chargée d'histoire, sur une ancienne paroisse à l'église ruinée, descendrait, suivant les recherhces de son propriétaire d'alors, en lignée directe de Louis de Virgile qui l'a acquise en 1682 d'une certaine Anne de Druy, dont le défunt époux, Charles Quarré, était seigneur de Millery, d'Avril-les-Loups et de Saint-Michel-en-Longues-Salles, lointaine descendante d'Hugue de la Perrière, seigneur de Saint-Michel en 1290... dont une branche, celle de Simon de la Perrière, s'est établie en Saintonge vers 1680. L'"école de Poussery", officiellement la ferme-école de la Nièvre, que l'on appelera la ferme-école de Saint-Michel, en sursis, y vivra encore, discrètement, peu aidée, l'allocation annuelle de 2000 frs accordée par le département, venant en déduction des aides de l'Etat, ayant été systématiquement retirée dès 1873 par le Ministère de l'Agriculture, ainsi jusqu'en 1887, année de sa fermeture administrative et définititive sans qu'on sût si elle allait être remplacée par une autre ferme-école ou une école pratique d'agriculture.

L'école qui fermait était, vue sa date de création, non seulement une des plus anciennes de Bourgogne et des départements proches, mais encore, suivant Adolphe Salomon et les revues agricoles qui en parlaient, une des plus connues et réputées nationalement, recrutant des élèves sur la France entière, et les Salomon père et fils en furent, avec les soutiens de la Société d'Agriculture et du Département, la cheville ouvrière. Contrairement à l'école de Poussery, qui dans un premier temps avait abordé l'aspect "noble" de l'agriculture par une recherche d'élevage, l'école de Saint-Michel, plus humble, mais qui de fait, suivant les termes mêmes de son directeur, avait acquis le statut d'école spéciale d'application, n'aborda officiellement que la gestion et l'exploitation du cheptel, des champs et des prés et, plus généralement, la gestion comptable d'une exploitation agricole, puisque cette notion était bien mal assimilée sur la Nièvre. A l'initiative de Louis Albert Salomon, alors devenu sous-directeur de la Ferme-Ecole, des chevaux y furent cependant élevés, "en maraude". Elle connaîtra en 1876 quelques incidents sanitaires comme une épidémie de névrose convulsive observée par le Dr Saint-Cyr, de la commission des épidémies, suivant un rapport duement transmis par le Ministère de l'Agriculture à l'Académie de Médecine. Disposant de son directeur, d'un comptable, d'un chef de pratique, d'un jardinier, d'un vétérinaire et d'un aumônier, elle accueillera chaque année une petite vingtaine d'élèves, sur un maximum de trente-deux (32) possibles, dont certains se distinguèrent

  • comme un certain Victor Auguste Grandjean, de Saint-Péreuse, sorti le premier de l'Ecole de Grand-Jouan, qui allait devenir professeur spécial d'agriculture à Dôle (Jura) ;
  • comme Auguste Carré (1853 - 1936), sorti premier de la ferme-école de Saint-Michel et troisième de l'école normale d'agriculture de Grignon, spécialisé dans le traitement antiphylloxérique des vignobles, enfin, après des postes à responsabilités à Saint-Bon (Haute-Marne) et à Grand-Jouan (Seine-Inférieure), nommé le 9 octobre 1887 professeur départemental d'agriculture dans la Haute-Garonne où il va diriger les Services Agricoles de ce département et collaborer à la fondation du "Progrès agricole et viticole" de Montpellier (Hérault) - il décédera en 1936 à Latour-sur-Orb, petite commune de l'Hérault ;
  • comme un certain François Césaire Berthault (1857 - 1916), d'origine berrichonne - son père Louis (1827 - 1896) dont nous reparlerons, maire de Trouy, beau-frère d'Adolphe Salomon, était fermier à Germigny depuis 1855, près de Bourges ; François Berthaut qui, élève de M. Boitel, sortit premier de sa promotion de l'école de Grignon en 1879, fut sous-directeur en 1881 à l'EPA de Saint Bon à Champcourt (Haute-Marne), se maria en 1883 avec une des filles de son directeur, Louise Marie Thérèse Rolland, alors qu'il venait d'être nommé professeur d'agriculture en Haute-Saône - jeune femme avec laquelle il aura neuf enfants nés successivement à Champcourt (Haute-Marne), Neauphle-le-Château (Seine-et-Oise), Asnières et enfin Neuilly (Seine) de 1884 à 1901 ; qui accédera en 1889 à un poste de professeur à l'École nationale de Grignon, puis de directeur de l'Enseignement au Ministère de l'Agriculture, avant d'être chef de division des Domaines au Crédit Foncier de France ; François qui reprendra dès 1896 l'exploitation de son père tout en assumant ces diverses fonctions ; François qui, au final, officier de la Légion d'Honneur, fut membre de l'Académie d'Agriculture de France de 1909 à 1916, année de sa mort prématurée, un certain 12 février en son dernier domicile du 4 de la rue Leboucher à Neuilly, petite voie privée bordée d'immeubles anciens et de quelques hôtels particuliers, et ville où il sera finalement enterré - une souscription fut lancée pour l'érection à Grignon d'un monument à sa mémoire : il écrivit notamment un ouvrage aux Editions Masson, Paris, deux tomes regroupant quatre volumes sur "les Prairies", sortis entre 1902 et 1906 - livre qui valut à son auteur d'être médaillé d'argent par la Société Nationale d'Agriculture. Son fils, Pierre [Charles Louis] Berthault (1884 - 1954), né le 25 juin 1884 à Champcourt (Haute-Marne) alors que son père sous-dirigeait l'Ecole de Saint Bon, aîné d'une fratrie de huit (8) enfants, ingénieur agricole, continua la tradition, se spécialisa en botanique agricole et présenta en 1911 une thèse remarquable sur la pomme de terre ; avec son père, il rédigea en 1912 un traité sur "Le blé", publié à Paris par la Librairie Agricole de la Maison Rustique ; marié à Paris (8ième) en 1914 à Julie Emilie Marthe Guillier, nommé en Algérie juste après la Grande Guerre, professeur à l'Institut Agricole d'Algérie puis inspecteur au Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie, il avait été également porte-parole des chambres d'agriculture d'Algérie ; membre non-résident de l'Académie d'Agriculture, secrétaire à la rédaction du "Journal d'Agriculture Pratique", il présidait, à la suite d'Emile Vivet, le Comité de Rédaction de la "Revue Agricole d'Afrique du Nord" lorsqu'il mourut un certain 6 avril 1954, muni de la Rosette de la Légion d'honneur qu'il avait reçue en 1949.

    Bref, les études à Saint-Michel, qui générèrent ainsi des personnages distingués, y avaient une durée de deux (2) ans et les élèves, recrutés chaque année en octobre, recevaient un certificat d'instruction après examen par un jury composé d'inspecteurs du Ministère de l'Agriculture, du Département et de professionnels, avant de recevoir chacun une prime de 300 frs, les élèves sans certificats ne recevant que 200 frs. La ferme-école fonctionnait avec un budget annuel d'environ 14.500 frs, le traitement de son directeur s'élevait à 2.400 frs par an. Parallèlement aux études, des expériences furent entreprises, notamment sur des lots de prés avec et sans engrais dans le cadre de la gestion rationnelle des prairies naturelles ou reconstituées, ainsi que sur une nouvelle méthodologie de l'irrigation et de l'utilisation de l'eau venue de Franche-Comté, la Nièvre ayant été longtemps en retard sur ce plan à l'exception de quelques travaux entrepris à Saint-Pierre le Moûtier et Saint-Pierre du Mont. Bref, cette école aura été utile, suivant Adolphe Salomon, "jusqu'à la dernière heure"..., l'exemple le plus patent ayant été pendant longtemps, pratiquement jusqu'à la mécanisation, la généralisation sur la Nièvre de la technique de récolte des blés par la construction de "moyettes". Quant aux "Annales de Poussery", animées initialement par Adolphe de Bourgoing et Louis Salomon, elles disparurent dès 1867 avec la translation de l'école de Poussery à Saint-Michel - et Adolphe Salomon utilisera alors d'autres supports plus nationaux. Et - l'élevage n'étant plus l'élément recherché - plus aucune participation à des concours agricoles, nationaux ou régionaux, n'a été décelée après le concours d'Orléans de 1868, les concours de Châteauroux de 1866 et l'exposition universelle de 1867 en ont été les derniers, si ce n'est une participation pédagogique d'Adolphe Salomon à l'exposition universelle de 1878 à Paris et comme rapporteur au concours général annuel de Nevers de février 1881 où il remarque notamment, pour les animaux gras et reproducteurs, que le comte de Bouillé, président de ce concours, grand propriétaire terrien au château de Villars, près de Nevers, ville dont il était le maire, plusieurs fois primé, notamment en Angleterre, avait exposé son bétail "hors concours" ("Bulletin de la Société d'Agriculture de la Nièvre", vol 18, 1881). Avec le transfert puis la fermeture de l'école à Rémilly, on regrètera cependant que la méthode comptable d'Avril n'ait pas été transposée à la Nièvre entière et bien au-delà, d'où, comme on va le voir, une position d'Adolphe Salomon très critique vis-à-vis de la comptabilité agricole officielle, ce qui, à notre avis, devait lui coûter sa fonction du ministère de l'agriculture et donc sa place de directeur à l'Ecole de Saint-Michel, qui, en décalage par rapport aux Ecoles Pratiques d'Agriculture, va être dissoute. Suivant le "Moniteur de l'Agriculture", repris par la Législation de l'Instruction Publique de 1853, il y avait eu en France dès 1850 soixante-dix-neuf (79) établissements de ce genre, subsidiés par l'Etat, dont vingt-sept (27) furent supprimés depuis, d'où quarante-neuf (49) établissements décomptés en 1853, trente-trois (33) en 1875. Très concurrencées par les écoles pratiques d'agriculture, les dernières fermes-écoles, une dizaine qui avaient pourtant élevé leur enseignement à celui des Ecoles Pratiques d'Agriculture, devaient disparaître dans les années 1920.

    Adolphe Ambroise Salomon-Cohen, le brillant sous-directeur puis directeur de l'école de Poussery à compter de 1863, déjà membre de la Société départementale d'agriculture de la Nièvre, fut présenté en 1876 par le baron d'Arlot de Saint-Saud à la Société des Agriculteurs de France. Il s'était, en effet, surtout fait connaître par ses brevets et des articles publiés dans les "Annales de Poussery" et publia en 1884, dans les "Mémoires de la Société d'Agriculture de Falaise", un article critique sur la comptabilité agricole dans le cadre d'une série d'articles publiés entre 1883 et 1885 sur cette question dans le "Journal de l'Agriculture", un moment suspendu en raison d'un concours organisé sur cette question par la Société des Agriculteurs de France ; puis il cessa, contraint et forcé, de diriger la ferme-école de Saint-Michel en 1887 - "frappée en pleine et brillante marche" et curieusement au terme d'un bail de vingt (20) ans initié en 1867. La Ferme Ecole paticipait alors à la préparation du concours agricole de 1887 à Nevers, et Albert Salomon, son sous-directeur, s'en était chargé de rédiger le rapport général. Que se passa-t-il entre Adolphe Salomon et son Ministre de tutelle, François Barbe, Ministre de l'Agriculture du 30 mai au 12 décembre 1887, nous n'en saurons jamais rien, si ce n'est une dépêche datée du 16 juillet 1887 portant sur la suppression de l'établissement à compter du 1er août suivant, date prorogée au 1er septembre ; Adolphe Salomon, fonctionnaire agricole, faisait l'objet d'une révocation du Ministère de l'Agriculture sans que celui-ci pût, officiellement tout au moins, lui reprocher quoi que ce soit. Le comité de surveillance et de perfectionnement de l'Ecole, émanation du Conseil Général alors composée du Marquis de Pracomtal, du marquis de Certaines et d'un certain Camus (art. 8 de la loi du 30 juillet 1875), dût envoyer un rapport confidentiel défavorable au Conseil Général qui le rétrocéda au Gouvernement, suite à la constatation bien établie que la Ferme-Ecole n'avait toujours pas pris le statut d'Ecole Pratique d'Agriculture. Adolphe Salomon adressa alors au Conseil Général - démarche maladroite - une "pétition" en vue de l'indemniser d'un investissement personnel de 35.000 frs en constructions et améliorations diverses sur la propriété et - prémonition ? - d'un préjudice de 26.000 frs d'allocations départementales refusées par le Ministère de l'Agriculture, et de ses fiers services rendus depuis quarante-trois (43) ans à la Nièvre et à l'agriculture - le personnel de l'école ayant été pour sa part indemnisé et pas lui. La crise économique agricole sur fond de phylloxéra a, il est vrai, entraîné l'éxode, des jalousies et des rivalités dans le monde agricole sur fond d'incurie, au grand dam de la Société d'Agriculture, comme relevé par Albert Salomon, alors sous-directeur de l'Ecole, dans le "Journal de l'Agriculture, de la Ferme et des Maisons de Campagne" de 1886 (volume 21, numéro 1, p. 342), où, parlant du concours général de Nevers à propos du "Herd Book" des chevaux, il s'inquiètait de "voir l'œuvre péricliter sous des influences indignes de véritables agriculteurs" ; une fermeture administrative, semble-t-il, non pas tant par défaut de moyens ou de compétences, mais de volonté de transformer la Ferme-Ecole en Ecole Pratique d'Agriculture avec un recrutement non pas à seize (16) ans mais à quatorze (14) ans, surtout par défaut d'accord entre Adolphe Salomon, trop entêté, trop connu peut-être, comptant trop sur ses réussites et sa réputation, et l'Etat, notamment sur la prise en compte de la mécanisation des tâches et sur les normes comptables, le statut de l'école et les résultats pédagogiques attendus ; enfin par défaut de successeur aussi, Louis Albert étant peut-être encore trop jeune et surtout orienté vers l'élevage des chevaux et, surtout, une méfiance patente, voire une hostilité de l'Etat à partir de 1875 à l'égard de tous les établissements ne respectant pas la loi du 30 juillet 1875 visant à l'élévation de leur niveau d'enseignement. Sur le plan comptable, l'école était, en 1886, bénéficiaire - ce qui était la moindre des choses, pour sa bonne réputation, vues les compétences acquises. Et, suivant les rapports qu'Adolphe Salomon avait adressés au Conseil Général pour 1886, les neuf élèves sortants scolarisés à Saint-Michel avaient tous obtenu leur brevet d'instruction, les trois premiers ayant été médaillés d'or, d'argent et de bronze, avec en conséquence le maintien par le Conseil Général du budget pour 1887 - il semble qu'il n'en fut point de même pour 1888. Le devenir des élèves, suivant Adolphe Salomon, avait donné "des professeurs, des répétiteurs, des chefs de culture, des surveillants-comptables aux écoles nationales, aux écoles pratiques d'agriculture,... ", ce jusqu'à l'Académie d'Agriculture. Quant au domaine, il avait été, au moment de la fermeture de l'école, comme constaté par la presse agricole, grandement enrichi de la compétence des animateurs et des élèves de l'école, dans le cadre de son bail avec le propriétaire.

    Le parcours d'Adolphe, ainsi révoqué du Ministère de l'Agriculture, est alors désormais peu connu. Nous aurions pu nous passer de cette période de sa vie si ce n'était l'intérêt même de la personne. Une chose est sûre : on ne l'a pas vu au concours général de la Nièvre de 1888, organisé essentiellement pour les animaux gras par la Société d'Agriculture de la Nièvre, alors présidée par le comte Charles de Bouillé. Cet "accident" eut une incidence directe sur le devenir de son fils, Albert, alors sous-directeur, bien forcé de l'aider dans un premier temps sur le domaine comme régisseur et donc d'y aiguiser ses premières armes de jeune diplômé de l'I.N.A. de Paris, reconstitué en 1876 par Eugène Tisserrand en remplacement de l'Ecole de Grignon - et dont les nouveaux bâtiments furent inaugurés en 1889 dans le 5ième arrt - avant de s'établir à Paris. En effet, Adolphe Salomon, qui reçut finalement un secours du Ministre de l'Agriculture, devait dans un premier temps rester à Saint-Michel, sans son école mais comme animateur de la station, et comme fermier de la famille de Champeaux jusqu'en 1889 avant de s'établir dans l'Aisne, à une petite quarantaine de kilomètres de Reims (Marne), puis de regagner Paris environ deux ans après la mort de son épouse, survenue prématurément en février 1895 à Paris. En juillet 1888, Adolphe Salomon avait adressé une nouvelle demande de secours au Conseil Général qui fut exposée par son Président lors de la séance du 20 août mais fut refusée par le préfet, la demande ayant été finalement renvoyée à la Commission des Finances ; le 23 août, le rapport de secours, exposé par M. Decray, rapporteur de la commission des finances, qui proposait un secours de 2.000 frs "pour un homme tombé dans la misère qui fit tant de bien pour l'agriculture", avait été finalement adopté par dix (10) voix contre trois (3), le préfet se voyant alors "tristement" contraint d'y émettre une réserve. Cette somme sera effectivement ajoutée au budget initial.

    Adolphe Salomon, secouru par le département et le gouvernement, continuera d'entretenir le domaine et d'écrire. Une décision ministérielle, si elle met fin, même brutalement, à une pratique pédagogique, ne peut arrêter brutalement une exploitation agricole. Or Adolphe Ambroise ayant eu, dès le début de sa révocation, le projet de quitter la région pour vivre comme simple agriculteur dans une région à meilleur rendement agricole, deux années s'avéraient nécessaires pour assurer la transition. Les dernières nouvelles de la situation agricole dans la Nièvre émises sous sa signature seront donc reçues dans les "Chroniques agricoles" du "Journal de l'Agriculture" jusqu'en 1889, et jusqu'en 1890 dans le "Journal de l'Agriculture, de la ferme et des Maisons de Campagne", dont certains de ses "bulletins agricoles" sur "la situation agricole dans la Nièvre" furent également mentionnés dans le volume 36 de 1889 de "La Terre et la Vie" : elles n'étaient pas particulièrement préoccupantes et, notamment pour ce qui était du phylloxéra, informaient surtout de la "pertinente compétence" de l'auteur. Parallèlement, après 1890, année de parution de ses derniers bulletins, il continuera, sans ne plus rien écrire, de représenter son département jusque vers 1898 à la rédaction du "Journal d'Agriculture Pratique" avec quelques autres confrères. De son côté, le Conseil Général n'avait, après celle de 1888, reçu de lui plus aucune demande de secours, du moins officiellement. Evidemment car, suivant des relations déjà établies, via la Société Nationale d'Agriculture, avec les Rohart, de Reims, et des indemnités gouvernementales conséquentes, Adolphe Ambroise avait, dès 1890, avec l'assentiment de la Direction des Services Agricoles de l'Aisne, transféré ses compétences fort loin de la Nièvre, dans un petit village de l'Aisne méridionale facilement accessible par la voie ferrée de Meaux à Reims, à quatre-vingt-quinze kilomètres (95 km) au Nord-Est de Paris, à une petite quarantaine de kilomètres de Reims (Marne), près de Fère-en-Tardenois : Seringes-et-Nesles, où il s'était établi avec son épouse comme agriculteur et fermier en la ferme fortifiée de Meurcy - avec celles des Bons-Hommes et du château de Nesles, l'une des trois plus grosses fermes céréalières de la commune -, ferme à l'écart de la route de Reims dans un vallon fertile entre Seringes et les Château et hameau de Nesles. L'âge avançant, son fils l'aidait néanmoins, ne serait-ce que pour l'entretien des chevaux et l'exploitation du nouveau domaine. Mais de ce séjour, qui n'allait pas être bien long, et à moins d'une production intellectuelle nulle ou d'une discrétion désormais avérée, les informations manquent cruellement dans la région sur la présence des Salomon-Cohen à Seringes, ceci étant sans doute également à mettre au compte de la destruction de nombreux documents suite aux deux guerres mondiales dont la Picardie allait souffrir particulièrement (un cimetière militaire a depuis été construit sur la commune près de Meurcy).

    C'est donc entre 1889 et 1890 qu'Adolphe Ambroise quitta, avec ses proches, le domaine de Saint-Michel et la Nièvre à tout jamais, son deuxième contrat de dix ans transféré à un autre fermier avec l'accord de la famille de Champeaux - suivant en cela un inéxorable mouvement d'exode. Quant à Georges de Champeaux, son propriétaire, il devait décéder quelques années plus tard, le 29 octobre 1895 à Autun. Comble d'ironie, une Ecole Pratique d'Agriculture allait être créée à Corbigny en 1894 - nous y reviendrons.

    Adolphe, mis à l'écart, déqualifié, pour ne pas dire "oublié", de l'enseignement agricole, était, sa formation mise à part, devenu un agriculteur comme les autres et, se faisant vieux, n'avait plus d'avenir en ces terres nivernaises pourtant élues de son père - mais dont il n'en fut jamais, à l'inverse de son père, le propriétaire. Ses trois enfants, subissant sans doute le sort de leur père, ne trouvaient, en ce lieu si isolé et sans doute socialement peu valorisant, personne avec qui se marier. Ses deux filles montaronaises une fois majeures, sorties de Rémilly, ne suivirent donc pas leur père à Seringes-et-Nesles : recherchant plus de promiscuité et, par le mirage parisien, cherchant surtout à sortir du milieu agricole, elles s'étaient installées rue de Grenelle à Paris dès 1888, accompagnées de leur mère, pour y poursuivre des études, apprendre un métier féminin et, vue la situation familiale, travailler et envoyer de l'argent dans la Nièvre puis dans l'Aisne ; elles furent suivies deux ans plus tard par leur frère Louis Albert avec la cession définitive du fermage de Saint-Michel. Anne Céline Bertheau, leur mère dont nous reparlerons, qui avait accompagné Adolphe Ambroise à Seringes mais venait aussi voir à Paris ses trois enfants, décéda malheureusement, vraisemblablement d'une rupture d'anévrisme, cinq (5) ans plus tard, le 16 février 1895 au matin, à Paris (6e), au domicile de ses enfants, ce malgré les soins du Docteur Anatole Juvigny, un ami de la famille. La situation économique générale étant par ailleurs fort délicate (on sortait à peine de la "Grande Dépression"), il était alors urgent de réagir et Louis Albert, agriculteur comme lui et ingénieur agronome, reprit le fermage de son père deux ans plus tard - il devait le garder jusqu'en 1902 avant de s'établir dans la Vienne. En effet, Adolphe, qui avait dépassé les soixante-dix (70) ans en avril 1897, avait alors profité de cette opportunité pour revenir sur Paris . Après un passage chez son neveu, François Berthault, en 1898, à Germigny, près de Bourges, puis à Neuilly-sur-Seine, aux portes occidentales de Paris, où se rendait souvent sa soeur Euphrasie, Adolphe Ambroise s'établira, moyennant une petite rente, avec son fils et ses deux filles dans le logement familial du 6ième arrondissement de Paris, au 5 de la rue de Grenelle, l'ancien Hôtel du Rhône ; il y restera jusqu'à son placement, par ses enfants, en l'hospice Ferrari de Clamart. Il s'était également rapproché depuis plusieurs années d'une autre de ses soeurs, Louise Frédérique dont nous reparlerons, séparée depuis de son mari, pour des cours de piano dispensés à sa fille Charlotte par le biais de l'Ecole Préparatoire au Professorat de Piano de Mlle Hortense Parent ; qu'y fit-il, personne ne le sait exactement d'ici, si ce n'est qu'il aida son fils Louis Albert, enfin marié fin 1900, à rentrer comme conseiller agricole au ministère des colonies (un certain Gaubert, membre du Conseil Supérieur de l'Agriculture, avait habité le même immeuble), fut employé jardinier en maison bourgeoise et ne fit plus parler de lui - aussi ne le vit-on pas, n'ayant plus de rôle éducatif particulier, lors du Congrès International de l'Agriculture de juillet 1900 à Paris. Sa petite rente (la loi sur les retraites n'interviendra qu'en 1910), doublée de la précarité de ses filles, dut l'enfoncer dans l'indigence car, suivant un acte de décès trouvé à Clamart où Louis Albert avait témoigné, il mourut pauvrement, veuf, "sans profession", un certain 11 octobre 1907, à quatre-vingts (80) ans, en ce qui n'était alors qu'un village de 6.300 habitants, actuellement une banlieue des Hauts-de-Seine, où ses enfants l'avait placé, après le mariage d'Albert, dans un hospice pour gens de maison, place Ferrari à Clamart, reconnu d'utilité publique en 1878 et fondé en 1886 par Mme Marie de Brignolle-Sale (1811 - 1888), duchesse de Galiera, marquise de Ferrari, qui voulut en faire un établissement destiné, ainsi rapporté par l'"Union Médicale" de 1888, à "recevoir cent vieillards, cinquante veuves et cinquante veufs soigneusement choisis parmi les déshérités les plus dignes d'intérêt", et desservi par les soeurs de la Sagesse... ce jusqu'en 1965, actuellement une maison de retraite. Même pauvre, Adolphe n'avait donc pas été "n'importe qui". Rappelons qu'Adolphe Ambroise avait été ingénieur civil à Paris avant de suivre une formation complémentaire agricole à Grand-Jouan, près de Nantes, formation nécessaire au rôle qu'il allait jouer à l'école de Poussery.

    Né à Grenoble le 20 avril 1827, sa mère, Césarine Boisset (1796 - 1880), était la fille orpheline de François Boisset (? - 1799), pharmacien à Chambéry (Savoie) décédé trop tôt à Aix-en-Savoie, et de Gabrielle Desportes dont on ne sait rien par ailleurs ; son père, Louis Rousseau Salomon-Cohen, qui l'épousa à Marseille en 1821, ancien fonctionnaire des impôts, fut un temps, rappelons-le, maire de Remilly et régisseur au domaine de la Boue avant d'être directeur de la ferme-école de Poussery à Montaron, commune dont il fut également le maire. Son épouse, d'une dizaine d'années plus jeune que lui, était une nivernaise native d'Entrains-sur-Nohain expatriée à Paris : elle y naquit, seconde et dernière, un certain 6 novembre 1836 ; son père, François Berthault (1807 - 1875), était, avant de s'établir à Paris, libraire à Nevers, sa ville natale et ville où il demeurait avec son épouse Marie Louise Angélina Thoulet (1811 - 1873), fille d'un notaire d'Entrains, François Henry Thoulet (1773 - 1850), lui-même descendant d'une vieille famille bourgeoise d'Entrains : Anne Céline Bertheau (1836 - 1895) - née à Entrains sous cette orthographe patronymique -, jeune fille de dix-neuf ans qu'il épousa, à l'issue de ses études d'ingénieur, dans le troisième arrondissement de Paris, le 28 juin 1856, arrondissement où, ses parents s'étant séparés trois ans auparavant, Anne Céline vivait avec son père ; avec elle, il eut quatre enfants, tous nés à Montaron, le seul garçon, l'aîné, Louis-Albert (1858 - 1910), déjà cité, et trois filles identifiées, Marguerite [Pauline Laure] (1859 - 1937), Marthe Irma Eugénie (1860 - 1861), qui ne vécut pas plus de quatorze (14) mois, et enfin Charlotte [Marie Louise] (1862 - 1933) dont nous reparlerons. Louis Albert, Marguerite et Charlotte, solidaires de leur père, étaient encore célibataires à la mort, à Bourges (Cher), de leur oncle Louis Berthault en 1896, leur mère étant malheureusement déjà décédée ; Albert se mariera pourtant, tardivement il est vrai, le 18 décembre 1900, à Paris (6ième arrt), à une certaine Berthe Eugénie Rohart (1855 - 1929), fille tardive de Jean-Baptiste Pierre Rohart (1813 - 1902), "facteur de denrées et marchandises", grossiste et représentant, et d'Emilie Françoise Léger (1820 - 1912) - avec laquelle il contracta mariage un certain 22 juin 1842 à Châtillon-sur-Marne -, jeune femme de trois ans plus vieille que lui qu'il dut rencontrer dans la rue Jacob voisine - semble-t-il, la descendante d'une vieille famille de la bourgeoisie rémoise aux générations d'artisans textiles et de brasseurs, notamment d'un brasseur champenois établi sur le tard à Neuilly, lui-même petit-fils de marchands drapiers, ingénieur civil et vice-consul en Norvège, industriel aux pêcheries des îles Lofoten, devenu en France chimiste-manufacturier aux Batignolles, producteur d'engrais destinés à l'agriculture sur la base de balayures de laineries, de déchets d'abatoirs et de pêcheries : François Ferdinand Rohart (1818 - 1889) ; avec ses frères Jean-Baptiste Pierre, déjà cité, Gérard Eugène (1815 - 1890), employé commercial et marchand mercier, et Emery Achille Rohart (1821 - 1899), chimiste et industriel à Reims, il descendait d'un fabricant de couvertures, Pierre Rohart (1788 - 1872) et de Marie-Antoinette Leroy (1792 - 1833), épousa en 1842 Anne Victorine Collard (1816 - 1873), ecrivit plusieurs ouvrages publiés à Paris sur la bière, les engrais et le phylloxéra - il devait, après le décès de sa première épouse et malgré son âge, se remarier en 1874 avec une jeune institutrice native des Ardennes, Jeanne Marie Léontine Rufin (1836 – 1913) qui fut cosignataire d'un brevet déposé en 1888 ; l'un de ses neveux, "cousin germain de l'épouse", témoigna au mariage, Jules Gaston (1852 - 1942), fils de Gérard-Eugène, déjà cité, et d'une marchande-mercière native de Châlons-sur-Marne (Marne), Marguerite Elisa Galopin (1814 - 1903) ; juge au tribunal de commerce de la Marne avant d'être industriel et négociant charbonnier à Reims, chimiste et commercial, dépositaire en 1899 d'un brevet (Bulletin des Lois de 1901), figure emblématique de la vie rémoise et homme politique dans la mouvance de l'Alliance Républicaine et Démocratique, il se lança, du fait de son mariage en 1882 avec une fille de tisserands, Augustine Marie Philomène Varin (1859 - 1935), dans la production de couvertures en plus de colorants végétaux destinés aux cidres et bières - il décédera à Reims dans sa quatre-vingt-onzième (91ième) année. L'acte de mariage cite également, parmi les témoins et "cousins germains de l'épouse", un certain Léon Grevin, en fait Léon Eugène Grevin (1832 - 1902), originaire de Soissons (Aisne) où son père, Louis Marie Casimir Grévin (1803 - 1852), à la descendance nombreuse, négociait la laine ; Léon, alors agent de fabrique, vivait d'une rente à Paris, veuf de Jeanne Marie Hortense du Boys (1840 - 1880), native de Réthel dans les Ardennes, épousée en 1877, puis marié en 1882 en secondes noces à Mathilde Adèle Rohart (1844 - 1928), soeur de Gaston.

    Une fois marié, Louis Albert habita dans un premier temps avec sa nouvelle épouse au 34 de la rue des Petits-Hôtels, dans le 10ième arrondissement, laissant ses deux soeurs célibataires avec leur père au 5, rue de Grenelle. La Gare de l'Est étant proche, il continua de gérer la ferme de Seringes en faire-valoir indirect jusqu'en 1902. Puis, avec l'aide financière de la famille Rohart, notamment après la mort en 1902 de Jean Baptiste Pierre Rohart, le père de Berthe Eugénie, et vraisemblablement celle, relationnelle, de la famille Béguin à la Motte-Saint-Héraye, dans les Deux-Sèvres, sans parler de la présence dans la Vienne d'une Ferme-Ecole à Montlouis, sur la commune de Jardres, dirigée par Henri Savin de Larclause, Président du syndicat des agriculteurs de la Vienne, le couple afferma une exploitation dans ce département, l'ancienne métairie d'un médecin marié et établi à Paris, le docteur Auguste Henri Delineau, au Défunt, à une quinzaine de kilomètres au Sud de Poitiers, à une quarantaine de kilomètres de la Motte, sur la "terre des Roches", commune actuelle des Roches Prémarie-Andillé, commune de plaines vallonnées et de vallées fertiles - actuellement, un gros bourg en pleine rurbanisation du canton de la Villedieu-du-Clain, dans le Poitou-Charentes. Mais les affaires allant de mal en pis du fait de désordres de gestion imputables à Louis Albert, notamment par des insuffisances de provisions, la dot apportée par Berthe Eugénie Rohart dans le fermage s'en trouva gravement menacée et, Louis Albert désirant par ailleurs se réorienter vers sa Nièvre natale, le fermage fut cédé jusqu'à sa liquidation en 1909 à sa seule épouse. Pour ce faire, une procédure fut engagée à la requête de Berthe Eugénie le 2 août 1906 par maître Pierre Avigdor (1882 - 1920), assisté de l'avoué Louis Ernest Denormandie (1853 - 1908), qui devait malheureusement mourir l'année suivante, et un jugement fut rendu le 28 janvier 1907 au détriment de Louis Albert qui, régulièrement assigné, ayant quitté la Vienne, n'avait pas constitué de défense ; ce jugement portait sur la séparation des biens meubles du couple, cette séparation entraînant donc la saisie possible des biens parisiens de Louis Albert et la préservation de ceux de Berthe Eugénie. Dans ce contexte, Louis Albert qui, de la rue des Petits-Hôtels, était revenu au 5 de la rue de Grenelle, fut contraint de déménager au 34 de la rue Serpente, dans le 6ième arrondissement de Paris, très vraisemblablement aussi en vue de ne pas trop s'éloigner de ses soeurs et de son père en fin de vie. Donc, compte tenu des difficultés économiques subies par le couple, il ne nous a pas été possible de déceler de descendance patronymique connue - à Paris et en France métropolitaine tout au moins.

    En effet, Adolphe Salomon décédé en octobre 1907, sa descendance, désormais libérée de toute attache directe, se dispersa à nouveau, et la "Grande Guerre" en fut la cause notoire, par une redistribution des rôles et des compétences en remplacement des morts au champ d'honneur, au feu ou au combat, sans parler des déplacements de population dus aux destructions et autres dévastations des campagnes.
    • Albert, qui fut donc le seul à reprendre la tradition agricole de ses père et grand-père, s'était donc déjà installé dans la Vienne, grâce aux Rohart, au début de 1902. Il devait garder ses attaches à Paris mais son absence dans les diverses listes électorales consultées pour cette ville et l'ancienne Seine entre 1900 et 1932 nous informe que son domicile principal n'était plus parisien. Des Roches Prémarie, où son épouse séparée de biens était restée jusqu'en 1909, il s'était installé vers 1907 à Tracy-sur-Loire, dans la Nièvre de ses parents, entre Pouilly et Cosne, comme régisseur des domaines viticoles du Château de Tracy où il resta jusqu'en janvier 1910. Puis, dans la foulée de François Ferdinand Rohart, le célèbre oncle défunt de son épouse, il avait développé à Cosne-sur-Loire, plus au Nord, un négoce d'engrais organiques et de phytosanitaires à usage du Centre Viticole et des vignobles de la région, activité qui eut finalement raison de sa santé puisqu'il mourut fort prématurément en l'hôpital de Cosne un certain 11 avril 1910, trois ans à peine après le décès de son père à Clamart, la dépouille ayant été rapatriée sur Paris. Quant à son épouse, Berthe Eugénie Rohart, elle avait, après la liquidation du ferrmage des Roches Prémarie, repris le chemin de Paris où elle s'installa transitoirement au 5 de la rue de Grenelle avant de réintégrer celui de sa mère, décédée en 1912, au 45 de la rue Jacob, dans le 6e parisien. Elle décéda à Paris en l'hôpital Laënnec un certain 20 novembre 1929.
    • Les deux soeurs cadettes connurent des destinées très différentes. Si Marguerite, qui notamment fut professeur au lycée Lakanal à Sceaux (Hauts-de-Seine), ne connut pas d'issue nuptiale et occupa le logement de la rue de Grenelle pratiquement jusqu'à sa mort, en 1937, Charlotte, qui, comme sa tante Louise Frédérique, avait la fibre indépendante et musicale, exerça dès 1896, soit pratiquement au lendemain de la mort de sa mère, la profession de professeur de chant et de piano, donc en l'appartement parisien de son père, au dit 5, rue de Grenelle. Elle s'était liée, vers 1904 et sans doute pour son malheur, avec un certain Richard Mililotti (1874 - 1943), professeur de chant et d'art lyrique à la voix de baryton d'origine romaine, homme escroc d'une lignée de musiciens lyriques qu'elle suivit, tout en gardant son poste à Paris, au 1 de la rue de Paris à Nice, ville aux traditions lyriques avérées ; puis, dès 1907, Richard, non seulement comme bon nombre de ses concitoyens mais encore pour échapper à la justice, s'en alla... à Rio-de-Janeiro puis Juiz-de-Fóra, au Brésil, où, pour se faire connaître, il se produisit en 1909, notamment avec Marieta Meireles, avant de revenir en France, fortuné et anobli, au début de 1911 suite au décès, à Marseille, de son oncle Léopoldo Mililotti - comme son père Giuseppe, musicien lyrique. Il se fera alors connaître sous le nom de Richard Mililotti de Figueredo. Et, au début de 1914, il appelera une de ses soeurs, une certaine "Mlle Mililotti", qui se produisit à une réception mondaine donnée par la légation du Brésil à Paris, avec le quatuor Tartaglia. En 1915, Riccardo Giuseppe Mililotti, puisque telle était son identité native, fut rappelé en Italie par la "Grande Guerre" qui mettra fin à sa carrière lyrique... et à sa vie de couple - il fut arrêté en 1916 à Saint-Brieuc, dans les Côtes d'Armor, pour escroqueries et duperie sur ses fonctions militaires et sur ses origines sociales -, puis, la guerre achevée et ayant consommé ses peines, publia les bans en 1919 pour se marier en 1921 dans le sixième arrondissement de Paris avec une certaine Estelle Pernotte (1888 - 1970), jeune fille qu'il a dû rencontrer dans la pension de famille du même nom fondée en 1895, au 159 du boulevard du Montparnasse, par un couple de nivernais provenant de Montapas, pension où il habitait et située près de Port Royal et des jardins du Luxembourg, et qui allait devenir en 1922, notamment après la mort en 1916 d'Alexandre Louis Pernotte, le père d'Estelle, l'Hôtel Venetia, visible encore dans les années soixante. Charlotte, qui venait de perdre un petit garçon de trois ans, fut donc, dès le début du conflit, à nouveau seule. A l'appel du Gouvernement Viviani, elle remplaça dès 1915 les instituteurs de France envoyés au front, parraina celui qui, jeune colonial et homme d'affaire venant d'Indochine, allait devenir son second mari ; puis s'engagea, par l'Ecole Principale de Bordeaux, alors transformée en hôpital, suivie de l’École d’Application du Pharo de Marseille, comme infirmière-secouriste au sein du "Service de santé de la Marine et des Colonies" en aide et remplacement des infirmiers militaires d'Indochine envoyés au front et, suivant en cela son très jeune compagnon d'infortune, s'éxila fort loin, de Toulon au Tonkin par Shanghaï, siège à Hanoï dès 1902 d'une des plus vieilles facultés de médecine coloniales ayant développé sur place un excellent réseau d'assistance médicale ; la guerre achevée, c'est à Hanoï, libérée ainsi de toutes contraintes familiales, militaires et politiques, et revenant ainsi à sa première passion, la musique, qu'elle s'engagea dans la Société Philharmonique de Hanoï, prit part à la création du conservatoire de musique d'Extrême Orient à Hanoï, qui allait ouvrir en 1927, et qu'elle se maria en secondes noces, le 7 août 1920, en cette époque d'après-guerre de l'"Indochine Heureuse", celle des "Années Folles", dans sa cinquante-huitième année, avec son très jeune compagnon de guerre devenu son bailleur de fonds, un certain Marius Ernest Déchenaux (1891 - 1955), artisan-luthier et marchand de musique après s'être, avant la Grande Guerre, enrichi dans le commerce de l'ivoire - jeune homme né à Mustapha, en Algérie, d'un père clerc de notaire devenu pianiste et professeur de musique de souche grenobloise et d'une mère actrice lyrique née à Paris. Marius Ernest avait repris en 1920 à un certain Cordier, avec la caution matrimoniale de Charlotte, suivant description des annuaires commerciaux de l'époque - qui avaient initialement orthographié son nom sous la forme "Deschenaux" -, une lutherie et un commerce "de vente, d'achat et de location d'instruments de musique" et de partitions musicales au 51 de la rue Jules Ferry à Hanoï, adresse mitoyenne de l'atelier, alors déjà mis en gérance, d'un photographe-éditeur très connu à l'époque, Pierre-Marie Dieulefils (1862 - 1937) - avec Charlotte, on ne lui connaîtra pas de descendance et nous savons que le couple ne vivait plus à Hanoï après la fermeture du Conservatoire en 1930, donc jusqu'à la période vichyssoise qui vit l'invasion de l'Indochine par les japonais. Le commerce musical tenu par Ernest Deschenaux, que l'on décèle assurément jusqu'en 1928, mais sans la lutherie, ne figurait plus, en tout cas, sur les listes exhaustives d'adresses commerciales relevées par l'"Annuaire Complet de l'Indochine, européen et indigène" des années trente, les années de la dépression économique, et le local de la rue Jules Ferry à Hanoï était alors occupé par un marchand d'abat-jour indigène. Le couple, en effet, avait réintégré la métropole en 1929, s'installa largement, tel un retour aux sources, à Nice dans un premier temps, au quatre (4) de la rue Valperga où il mena grande vie, "pour se refaire une santé". Charlotte décédera malheureusement quelques années plus tard, le 24 janvier 1933, dans cette même ville. Marius Ernest s'en était allé seul sur Paris, dès 1930, où, notamment après la mort de son épouse, il se laissa aller, connut des déboires financiers importants non seulement par le jeu mais encore - et surtout - suite à une grosse imprudence financière contractée à Nice en 1930, imprudence et laisser-aller ayant finalement entraîné, malgré une tentative infructueuse de récupération de l'argent escroqué au tribunal de Versailles, misère, vagabondage, emprisonnement, drogue, alcool, proxénétisme, petits boulots et, le 13 décembre 1936, une arrestation consécutive à une altercation à l'arme blanche où un vieux négociant de Paris, le père de l'emprunteur indélicat contacté à Nice, fut grièvement blessé à coups de couteau. Marius Ernest Deschenaux, arrêté et emprisonné une nouvelle fois, cependant bien défendu, fut acquitté l'année suivante et ses peines absoutes à l'issue d'un procès médiatisé ("Le Populaire" du 26 juin 1937). Après cet épisode peu glorieux, Marius Ernest ne se remaria pas et ne put reconstruire sa vie à Hanoï, comme initialement projeté, non seulement par manque de moyens mais encore du fait de la situation politique en Indochine, de plus en plus explosive. Il mourut finalement dans le 4ième arrondissement de Marseille, au treize (13) de la place Sébastopol, dans une profonde solitude, à soixante-quatre (64) ans, entouré de ses quatre chats, à une date estimée par le médecin légiste au 20 février 1955 ; en effet, le décès n'avait été constaté et déclaré que trois mois plus tard après la date estimée, par un gardien de la paix, à savoir le 19 avril..., le jour où le corps fut découvert. Suivant l'édition du "Provençal" du 20 avril 1955 qui rapporta l'événement, une émanation de gaz aurait été à l'origine de ce décès, ainsi que de celui des quatre chats. Le corps fut transporté, vraisemblablement pour autopsie, au cimetière Saint-Pierre de Marseille.
    La souche montaronaise Salomon-Cohen, par Albert, Marguerite et Charlotte - des gens finalement ordinaires de la classe moyenne -, touchée de plein fouet, pour ce qui est du moins de Charlotte, par la Première Guerre Mondiale, ne fit donc plus parler d'elle - et d'Albert, avalé par le monde agro-industriel du clan Rohart et ne voulant certainement plus reprendre une fonction qui l'exposerait, l'on ne connaîtra plus, sauf erreur, de publications après celle, l'unique d'ailleurs, de la Nièvre de 1886, dans le "Journal de l'Agriculture" ; la souche montaronaise émigrée à Paris, à nouveau dispersée, sans descendance, disparut discrètement, tel un contre-coup de l'expulsion de la Nièvre, à la fin de la première moitié du vingtième siècle et il n'est pas non plus interdit de penser qu'un contexte antisémite virulent et déjà ancien, consacré par les lois de Vichy associées à la Seconde Guerre Mondiale, y fut également pour quelque chose. La rupture avec la Nièvre, si elle sembla plus difficile pour Louis Albert, revenu sur Tracy puis sur Cosne pour y mourir, était en tout cas bel et bien consommée.

    De son côté, Adolphe Ambroise Salomon-Cohen avait, connues à ce jour, une soeur aînée, Césarine Euphrosine Salomon-Cohen, dite Euphrasie, (1824 - 1904), et une cadette, Louise Frédérique [Salomon]-Cohen (1831 - 1916) dont nous reparlerons. Césarine Euphrosine Salomon-Cohen s'était mariée à Montaron le 7 janvier 1856 avec Louis Berthault, agriculteur déjà cité et décrit plus haut, de trois ans plus jeune qu'elle, formé à l'école de Poussery, avant de s'établir avec son mari près de Bourges (Cher) sur les terres de son ami Charles Delahaye-Le Bouis (1832 - 1913) - il se partagera plus tard avec M. Gohin la propriété du comte de Saint-James, M. Humbert, régent de la Banque de France, décédé en 1892 -, et avait eu avec lui deux enfants dont François Césaire déjà cité, la cadette, Charlotte Emilie (1858 - 1953), ayant suivi son mari, Vital [Marie Auguste] Petit (1848 - 1908), natif d'Orléans, épousé en 1882 alors qu'il était censeur au lycée de Châteauroux (Indre), nommé, entre autres établissements, professeur aux lycées de Roanne, dans la Loire, puis de Tournon, dans l'Ardèche, avant de revenir en la rue Juranville à Bourges, son mari décédé prématurément en 1908 (à 59 ans), où elle mourut... dans sa quatre-vingt-quinzième (95ième) année. Sa mère Euphrasie décéda pour sa part plus modestement à quatre-vingts (80) ans, un 12 décembre 1904, en son domicile de Germigny. A l'inverse de leur seul frère Adolphe, les deux filles naquirent à Marseille, les deux soeurs et le frère unique suivirent dans un premier temps leurs parents vers la Nièvre. Si, comme son père, Adolphe Ambroise devait être le seul de la fratrie à s'établir après ses études dans ce département, Louise Frédérique, née à Marseille le 9 août 1831 alors que son père était déjà sur la Nièvre, fut la seule à s'éloigner très tôt du noyau rural et agricole de sa famille et devait pour sa part, après une enfance passée à Rémilly, poursuivre des études pianistiques et de composition à Paris dès 1843 notamment avec Jeanne Louise Farrenc née Dumont (1804 - 1875), fit carrière essentiellement à Paris dans la musique de chambre, la composition et l'enseignement pianistique, ville où elle acquit une notoriété parfaitement justifiée, ce jusqu'en 1894, année de la parution de sa "Petite Suite" aux éditions Richault, sa dernière oeuvre, mais date à partir de laquelle elle se fera discrète ; Louise Frédérique s'y était finalement mariée, dans la commune parisienne de Notre Dame de Lorette, un certain 26 juillet 1855 avec un certain Alexandre [Charles] Béguin (1825 - 1907), d'origine poitevine, fils et petit-fils de maçon, habitant alors au 7 de la rue Cretet, actuellement dans le 9ième arrt, instituteur puis professeur de mathématiques à l'Ecole Municipale Turgot (fondée en 1839) et aux Cours Normaux de Paris, et membre dès 1867 de la Société pour l'Instruction Elémentaire, auteur de manuels d'arithmétique, qui se prévaudra en 1894 du grade d'Officier de l'Instruction Publique, initialement descerné à son épouse compositrice (B.O., Vol. 55, 1894 ; J.O. janvier 1894 ; Le Ménestrel, 4 févr. 1894, p. 39), ce qui veut dire qu'elle était déjà, avant son divorce, Officier d'Académie au titre de l'enseignement libre. En effet, le couple n'avait pas tenu et, entérinant une situation qui prévalait depuis la naissance du deuxième enfant, avait divorcé en 1887, le jugement étant passé à l'Etat Civil le 11 juillet de cette année-là ; Alexandre s'établira alors au 53 de la rue des Moines puis au 91 de l'avenue de Clichy, toutes adresses dans le 17ième arrt. Quant à Louise Frédérique, après un passage au 5 de la rue Clapeyron à compter de 1869, elle s'établira officiellement seule au 26 de la rue de Constantinople, actuellement dans le 8ième arrt, appartement alors acheté en 1875 à son seul nom pour sa seule activité professionnelle, ce dans le cadre d'une procédure de séparation de biens où Alexandre Béguin aura à lui seul, jusqu'à son mariage, la garde de sa fille aînée et, jusqu'à son admission à l'Ecole Polythechnique, la garde de son deuxième fils. Cette séparation révélait deux êtres finalement très différents, un mathématicien traditionnel aux tendances protestantes claniques et une pianiste libre et indépendante à fort caractère... - et Louise Frédérique, l'indépendante, la "pianiste distinguée", se fera professionnellement connaître, notamment comme compositeur et professeur, sous le nom de Béguin-Salomon - laissant de son crû une dizaine de compositions pour piano écrites entre 1857 et 1894. Avec Alexandre, elle eut trois enfants connus à ce jour, Louise Berthe Marguerite Béguin (1856 - 1941), Georges, né à Paris en mai 1859 et décédé la même année six mois plus tard à La Mothe Saint-Héray, et Léon Adolphe (1867 - 1941), polytechnicien, pour les survivants mariés à leur tour respectivement en 1880 et 1892... Quoiqu'il y ait eu de forts soupçons, invoqués par les descendants actuels, que le véritable père de Léon Béguin fût le futur baryton puis ténor, alors très jeune, Jan Mieczysław Reszke (Varsovie, 1850 - Nice, 1925) alors en séjour à Paris, connu plus tard en France sous le nom de Jean de Reszke, naissance adultérine à l'origine du divorce de 1887. Louise Frédérique, qui, avec Camille Lelong et Gary, avait fondé une Société de Musique de Chambre et devait encore se produire en la salle Erard de Paris le 1er Mars 1896 pour une matinée, devait poursuivre son enseignement jusqu'en 1909, année où elle quittera le huitième arrondissement de Paris pour le dix-septième, en son domicile du 10 de la rue Georges Berger, un immeuble au style baroque à quelques pas du Parc Monceau, où elle décédera seule le 12 novembre 1916, un dimanche, son seul fils, Léon Adolphe, étant sur le front de la Somme et les voisins déclarants n'ayant su rapporter sa filiation ; elle décéda dans la plus totale indifférence, évènement passé inaperçu car situé en pleine première Guerre Mondiale, et donc encore entaché d'un grand mystère, puisque la plupart des publications artistiques et musicales, qui auraient pu en rendre compte, avaient alors cessé de paraître – enterrée au cimetière de Thiais, au Val-de-Marne, sa tombe aurait actuellement disparu. Quant à Alexandre Béguin, il terminera ses jours à la Motte Saint-Héraye, dans les Deux-Sèvres, un certain 21 mars 1907, son pays de naissance et celui de son seul et unique gendre Bernard Marie Henry Gausseron (1845 - 1913) où Caroline Milsom (1829 - 1918), veuve d'Augustin Béguin (1830 - 1874), son frère cadet et chancelier aux Consulats de Gênes (Italie), de Rotterdam (Pays-Bas) puis de Bilbao (Espagne), mère de la première femme et cousine de Léon Adolphe, était propriétaire...

    Associé à la ferme-modèle de Poussery, arrondissement de Château-Chinon, département de la Nièvre, Louis Salomon, leur père qui, des mains mêmes de l'Empereur Napoléon III, avait reçu la croix de chevalier de la Légion d'Honneur au concours régional d'Orléans de 1868 (dont il avait été nommé commissaire), figurait encore dans l'Almanach Impérial de 1868, page 200, sous le seul nom de Salomon. Il avait été reconnu comme l'un des meilleurs directeurs de ferme-école, et sa décoration l'a été "pour services rendus à l'agriculture" (Journal de l'Agriculture, Vol. 2, p. 438 et 439). Entre 1866 et 1867, Louis Salomon, devenu en effet directeur honoraire de l'Ecole de Poussery transférée par son fils à Saint-Michel, fut, en tant que "propriétaire-agriculteur", secrétaire-rédacteur de plusieurs commissions d'enquête de l'agriculture, notamment dans la Nièvre, l'Allier et le Puy-de-Dôme, sous la présidence du baron Eugène Charles Cadier de Veauce (1820 - 1884), député de l'Allier pour la Majorité Dynastique de 1858 à 1869 et de Centre Droit jusqu'en 1870. L'une des séances de cette Commission se tint à Moulins-Engilbert les 20 et 21 octobre 1866 et reçut notamment MM. Henri Coujard de Laplanche, Charles Bonneau du Martray et le comte de Saint-Léger, Gilbert Louis Albert de Champ, tous membres du Conseil Général de la Nièvre, le Comte de Pazzi à Ougny, Henry Charles Marie de Séguins de Pazzi d'Aubignan, propriétaire-agriculteur et membre de la Société d'Agriculture de la Nièvre, M. Marie Pierre Gilbert Charleuf, propriétaire du domaine de Labussière, maire de Sémelay, Maître Victor Reullon, notaire à Moulins-Engilbert, desquels il ressortit qu'une des causes de l'éxode rural était la petite propriété, les salaires agricoles inférieurs aux ouvriers, les traités libres échangistes avec la concurrence des pays producteurs de céréales à bas prix... et la hausse des prix de fermage. Mort à Rémilly le 20 septembre 1876 à plus de quatre-vingts (80) ans, Louis Rousseau Salomon-Cohen, ainsi dénommé en 1825 en reprenant l'identité de son père (car déclaré Salomon Rousseau Cohen à l'Etat Civil de Marseille en 1794), eut pour sa part droit à un monument érigé et inauguré en sa mémoire dès le jour de sa mort au cimetière de Remilly, financé par les élèves de la ferme-école de la Nièvre à Saint-Michel et exécuté par M. Laget aîné, de Cercy-la-Tour, le service anniversaire étant assuré par le clergé de Fours et des paroisses environnantes, rejoignant ainsi sa propre mère, Thérèse Maximine André, décédée à la Boue, commune de Rémilly, un certain 14 mars 1839 et enterrée trois jours plus tard dans cette commune. Césarine Boisset, son épouse, décédée à Saint-Michel, devait l'y rejoindre quatre (4) ans plus tard, le 27 septembre 1880. Ce qu'on sait moins, c'est que Louis Salomon possédait, en plus de la ferme-école qu'il avait fondée et qui abritait une fabrique de tuyaux, une verrerie et une tuilerie sur le domaine de la Boue à Rémilly, à l'origine fondée par la famille de Ponard, non loin de la fameuse verrerie Sainte-Catherine des Hennezel (1779 - 1815) à Fours, famille très liée aux du Crest. Historiquement, sa famille venait, par son père Salomon (1749 - 1833) et son grand-père Moïse Cohen (1720 - 1793), du Comtat Venaissin, province du Saint-Siège réunie à la France en septembre 1791, où les fameux "Juifs du Pape" se réfugièrent en 1321 suite à la "révolte des Pastoureaux" languedociens, pour ne parler que de cet épisode lié à la famine.

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    [Il semble que l'installation, quelques années plus tard, le 5 avril 1894, sur la base d'un engagement financier national datant du 21 décembre 1893, d'une Ecole Pratique d'Agriculture dite de la Nièvre à Corbigny, dans les bâtiments de l'abbaye que la Première Guerre Mondiale allait reconvertir en hôpital militaire, ait-été la réponse de l'Etat à la fin programmée des fermes-écoles décriées au profit des Ecoles Pratiques d'Agriculture, d'un niveau plus élevé (celui d'une école primaire supérieure), et donc, pour la Nièvre, de la fin de la grande épopée semi-publique ou semi-familiale de l'Ecole de Poussery transférée à Saint-Michel (1843 - 1887). La création de l'Ecole d'Agriculture de Corbigny, dont les lieux furent critiqués - trop loin de Nevers et ferme trop éloignée de l'école -, s'inscrivait d'autre part dans le contexte de la crise de l'agriculture française de la fin du 19ième siècle due à la concurrence étrangère, aux ravages du phylloxéra et au retard technique que les fermes-écoles, de moins en moins nombreuses, n'avaient pu conjurer. Pour lutter contre ce retard, une loi du 30 juillet 1875, défendue par Eugène Tisserand, conseiller d'Etat et directeur au Ministère de l'Agriculture, institua des écoles pratiques d'agriculture et d'horticulture, à créer dans chaque département ou groupe de départements et, après la fermeture de la ferme-école de Saint-Michel en 1887, la Nièvre, qui n'avait plus d'école agricole, était particulièrement concernée. La commission de Las Cases avait, dans son rapport n°143 du 27 août 1887 rédigé après le départ d'Adolphe Salomon, et accepté par le Conseil Général, déjà invité le Préfet de la Nièvre à préparer, pour la session d'avril 1888, un projet de création d'école pratique d'agriculture. Moment d'hésitation, il fut question de fonder sur la Nièvre, suite au décret du 3 octobre 1848, une école régionale d'agriculture, jointe d'une école vétérinaire, pour trois départements, la Nièvre, le Cher et l'Allier, en ajoutant la partie non montagneuse du Puy-de-Dôme, et Corbigny avait déjà été pressenti du fait des locaux importants du petit séminaire installé dans l'ancienne abbaye, d'une situation interessante entre le Morvan et "le bon pays", et, trente ans plus tard, d'une bonne accessibilité, notamment par chemin de fer. Mais, vus certains évènements parisiens, cette option ne fut plus retenue par le Ministre de l'Agriculture, et la Nièvre se contentera longtemps de l'école de Poussery. Avec la loi de 1875, le Conseil Général de la Nièvre, déjà échaudé par l'échec de l'école régionale, ne retint pas l'option interdépartementale pourtant prévue par la loi. D'une école régionale qui ne vit jamais le jour, on passa donc à une école pratique d'agriculture purement départementale, à établir dans les locaux de l'abbaye de Corbigny. Ainsi créée pour la seule Nièvre, l'Ecole Pratique d'Agriculture de Corbigny, qui fonctionnait avec un "budget d'installation et d'appropriation" départemental de 3.000 frs annuels pendant trente ans plus dix milles francs (10.000 frs) accordés par la mairie de Corbigny au premier directeur pour la sous-location du domaine de la Patouille, d'initiative entièrement publique, recruta par mutation des enseignants désormais sur la France entière et eut notamment pour premier directeur, par arrêté du 8 octobre 1897, un certain M. Edouard Alphonse Buquet (1859 - ?), qui, venant de l'EPA de Crézancy (Aisne) où il était professeur, dirigea l'établissement jusqu'en 1909, année où il fut nommé à l'école d'Ecully (Rhône), la future école d'arboriculture, remplacé le 11 décembre par Georges Louis Clarenc (1868 - 1935), diplômé de l'Ecole d'Agriculture de Grignon, primitivement responsable des cultures à Diego-Suárez (Madagascar), puis chimiste et professeur d'agriculture à l'école de Villembits (Hautes-Pyrénées lamenézanes). M. Clarenc, chevalier de la Légion d'Honneur, restera à Corbigny jusqu'en 1912 du fait de sa nomination, confirmée par le décret du 5 février, à l'Ecole Pratique d'Agriculture de Beaune (Côte d'Or), qui allait devenir l'Ecole de Viticulture. Les subventions départementales baissèrent fortement après le départ de Georges Clarenc qui ne fut remplacé que le 16 mars 1913 par M. Abel Adam Pairemaure (1872 - 1941), natif des Charentes, agriculteur, vétérinaire et professeur, venant de la ferme-école de Laumoy (Cher) et des écoles pratiques d'agriculture de Genouillac (Creuse), de Châtillon-sur-Seine (Côte d'Or) et de Pétré (Vendée), lequel lança des expériences sur des variétés d'avoine et la culture de la féverolle. Ce dernier ne devait pas exercer plus d'un an et fut envoyé au front dès le début des hostilités, en 1914, entraînant la fermeture de l'école dont les locaux abbatiaux furent investis par un hôpital militaire. Puis l'école de Corbigny fut officiellement supprimée par un arrêté ministériel en date du 23 octobre 1917 ; le médecin-chef de l'hôpital prit alors en charge tous les bâtiments de l'ancienne école, à l'exception de deux petites salles réservées à l'entreposage du matériel scolaire de l'Etat, jusqu'à leur liquidation duement constatée par M. Bréhéret, inspecteur régional de l'agriculture, assisté d'Abel Pairemaure, alors en permission, le 19 mai 1918. Quant au domaine de la Patouille, initialement affecté à l'école, dégradé quant à ses haies et rigoles par défaut d'entretien depuis le début de la guerre et dont le bail était achevé, il fut mis en vente à compter du 1er mai 1918 avec son matériel d'exploitation et le cheptel.

    Cela dit, comme à Saint-Michel, l'école de Corbigny avait pu accueillir annuellement, jusqu'à sa fin tragique, une vingtaine d'élèves, cette fois-ci boursiers de l'Etat, répartis en deux années d'études obligatoires pour le brevet, plus une année facultative de perfectionnement consacrée essentiellement aux élèves préparant l'examen d'admission aux écoles nationales d'agriculture, tous élèves recrutés sur examen par la préfecture de la Nièvre ou au siège même de l'école. Mais, à l'inverse de la ferme-école de Saint-Michel, l'école de Corbigny ne put obtenir le versement d'une prime de sortie aux élèves diplômés. Son domaine agricole, le domaine de la Patouille, bail à ferme consenti à la commune de Corbigny, s'étendait sur quelques soixante-dix hectares (70 ha), dont la moitié fut transformée par Edouard Buquet en prairies permanentes et temporaires pour l'extension du cheptel bovin charolais comme objet pédagogique d'étude. La ferme attenante à ce domaine, morcelé par ailleurs, était initialement des plus rudimentaires, mal équipée, et a pu expliquer dans un premier temps la difficulté exprimée par l'école à recruter des élèves de la région provenant de familles agricoles. En effet, le morcèlement initial du domaine, très critiqué mais provenant d'une volonté de l'Etat d'avoir au minimum soixante-dix hectares (70 ha), allié à l'éloignement de la ferme par rapport à l'E.P.A., provoquait des problèmes de déplacement, de transport de matériel et de surveillance des élèves. Au lendemain de la guerre, précisément en 1920, une partie du matériel de l'école entreposé dans les locaux de l'abbaye fut distribué au profit d'une École de rééducation des mutilés de guerre à Neuvic, en Corrèze, au statut d'Ecole Pratique d'Agriculture, qui devait opérer de 1918 à 1921 avant de devenir une Ecole pratique des Industries Rurales. Sur la Nièvre, il avait été alors question de fonder une école d'élevage en remplacement de l'école de Corbigny ; M. Abel Pairemaure en avait les compétences vétérinaires et avait, en effet, publié un petit ouvrage, "Le cheval, production et élevage", édité à Paris, date inconnue. Abel Pairemaure survécut bien après la guerre, publia un livre sur "le blé" en 1920 aux éditions de la Maison Rustique, entreprit des recherches sur la mélioïdose, fut chargé de cours jusqu'à sa mort, notamment aux services agricoles de Charente-Inférieure, mais ce projet public ne vit jamais le jour ; tout au plus constaterons-nous dans les années qui suivirent une École ménagère agricole ambulante destinée aux filles en milieu rural, vue l'hécatombe masculine, qui perdurera jusque vers les années soixante sous le nom de "Centre ménager rural de Corbigny". Son fils, Octave [Noël Pierre] (1905 - 1999), qui décéda fort vieux, natif de la Creuse et décédé sans descendance à La Rochelle (Charente-Maritime), repris le vétérinariat de son père, fit d'importantes recherches sur la morve et, en l'entre-deux-guerres, fut nommé vétérinaire sous-lieutenant pour l'armée de terre dans les Charentes avant d'ête nommé directeur des services vétérinaires de la Corrèze puis de la Charente-Maritime. La seule personne qui aurait donc pu répondre à cette situation était M. Philippe Mancheron, diplômé de l'école de Grignon, professeur départemental d'agriculture de la Nièvre venant du Maghreb, qui a exercé dans ce département dès la promulgation de la loi de 1879 portant sur la gestion d'un laboratoire agricole à Nevers et l'enseignement agricole post-scolaire, mais qui a pris sa retraite en 1912 et vivait désormais près de Noyon, dans l'Oise. La guerre ayant entraîné une véritable catastrophe intellectuelle et démographique dans les campagnes nivernaises, bon nombre d'immigrés flamands et wallons, en surnombre au royaume des belges, vinrent s'établir dans la Nièvre et reprendre les exploitations abandonnées, et s'assimilèrent rapidement. Et il faudra attendre les années soixante (sic !) pour voir renaître un enseignement agricole conséquent (Saint-Saulge, Sermoise, Varzy, Challuy) notamment avec la création en 1956 du lycée agricole de Château-Chinon. Plus généralement, les écoles pratiques d’agriculture, issues de la loi de 1875, continuèrent à fonctionner jusque sous le régime de Vichy, quoique la loi du 5 juillet 1941 les ait délibérément ignorées, en raison de leur inefficacité. Quant au très dynamique Edouard Buquet, le directeur historique de l'établissement corbigeois, rappelons qu'il avait été nommé, en plus de sa fonction à Corbigny, à Ecully (Rhône) le 22 septembre 1909 en remplacement de M. de Gigord, qui venait de remplacer Eugène Durand pour se mettre en disponibilité peu après, avant de l'être pour l'école d'agriculture de Bréhoulou, à Fouesnant, dans le Finistère, fondée en 1924 suite à un don de la famille Buzaré. Edouard Buquet, qui avait été décoré Officier du Mérite Agricole en 1922, devait y rester jusqu'à sa retraite, prise en août 1931, en cela remplacé par Pierre Bricaud.]

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    Après 1883, année de la mort d'Hélie-Roger Louis (1809 - 1883), né d'Augustin Marie Elie Charles et de Marie de Choiseul-Praslin (1789 - 1866), son épouse à compter de 1807, qui allait être le dernier des princes de Chalais, et après 1880, date du décès du marquis de Raigecourt-Gournay, les successeurs furent moins généreux. Le comte de Mérode Westerloo, successeur des Taleyrand, n'eut depuis la Belgique qu'un oeil fort éloigné des problèmes de Vandenesse et de Poussery. Le descendant des de Raigecourt, Gustave de Raigecourt-Gournay, marquis de Fleurigny (1827 - 1913), marié avec Marguerite Nompar de Caumont-La Force (1835 - 1916), délégué par son père, s'en occupa fort médiocrement jusqu'à sa mort en affermant le domaine tant bien que mal, notamment après 1867, fin du second bail de la ferme-école : le seul enfant mâle de sa descendance, Emmanuel Ghislain (1859 - 1868), mourut à l'âge de neuf ans, les trois autres filles, bien mariées, ayant préféré vivre sous d'autres cieux. Longtemps abandonné, en mauvais état, le château de Poussery ne fut malheureusement jamais protégé par les Monuments Historiques. Le domaine de Poussery fut par la suite vendu par lots successifs, le château n'étant plus habité. Pendant la première guerre mondiale, le château servit de caserne et d'hôpital. Puis le domaine, complètement démantelé, à l'exception des terres dites de Vandenesse, qui appartiennent actuellement aux de la Roche Aymon, ne fut plus que l'ombre de lui-même. Pendant la seconde guerre mondiale, les allemands réquisitionnèrent le château pour y établir un lazaret et d'importantes dégradations y furent à nouveau commises. Il fut repris vers 1970 par un mécène néerlandais, réalisateur diplômé en 1960 de la Netherlands Film Academy à Amsterdam, M. Roeland Kerbosch (1940), qui s'attacha à le remettre en état et y organisa des manifestations musicales : ainsi en août 2004 le récital Xenia Meijer (Hollande) dans le cadre des festivals musicaux du Sud-Morvan. En 1986, il a été répertorié à l'Inventaire Général du Patrimoine Culturel. Puis il fut revendu en 2007. Il est maintenant, sous la couverture d'une Société Civile Immobilière fondée en août de cette année-là, la propriété privée d’un couple de mécènes hollandais émigrés en Irlande, monsieur Dirk van der Flier (1946), de la Fédération Hôtelière Irlandaise ("Irish Hotels Federation") et Président en Irlande de la Chambre de Commerce de Wicklow, issu d'une vieille famille bourgeoise de Wijk-en-Aalburg, dans le Brabant-Nord des Pays-Bas, et son épouse Cornélia née Fritschij (1944), qui, comme leur prédécesseurs et compatriotes, en feront pour sa promotion, comme les années passées, espérons-le, un lieu idéal pour la tenue de manifestations culturelles et artistiques. Le couple, qui réside normalement à Bussum, aux Pays-Bas, gère le château en hôtellerie toute l'année et peut être contacté via le site internet qui lui est dédié. C'est actuellement, sur un hectare et demi (1,5 ha), un charmant petit château entre Nevers et Autun, bien restauré et confortablement aménagé, dans une situation rurale et paisible, avec jardins, douves, parc et prés, bordés par la rivière de Chevannes.
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