Voici une famille dont les origines sont les mieux connues de la noblesse du Royaume. Il y avait près de Mainsat, petite bourgade du Limousin près d’Evaux, dans l’actuel département de la Creuse, une roche sur laquelle un seigneur, le seigneur des Armes, planta vers 1030 sa forteresse soit disant imprenable. Cette roche s’appelait – et elle s’appelle toujours – la roche Aymon. Ce seigneur en pris le nom, le seigneur des Armes de la Roche Aymon, et devait transmettre jusqu’au jour d’aujourd’hui le fameux patronyme. Quatre branches en sont à l’origine parmi lesquelles nous ne traiterons que la principale, dont la noblesse est attestée dès 1179. Son héraldique la décrit ainsi : De sable, au lion d’or, fermé d’étoiles du même, avec un label d’or à trois pendants, pour brisure de puîné. Celle-ci évolua au 18ième siècle et elle fut ainsi décrite : de sable semé d'étoiles d'or à un lion de même armé et lampassé de gueules, que l'on peut lire sur une tapisserie murale dont Louis de la Roche-Aymon de Barmon fit don en 1770 à l'église des Pères Récollets d'Aubusson (Creuse), où il fut inhumé le 29 avril 1776.

 

Jusqu’au 13ième siècle, le nom de la roche passa également en prénom et c’est ainsi que l’on eut vers 1060 un Aymon Ier, vers 1120 un Aymon II, vers 1150 un Aymon III et vers 1210 un Aymon IV, les Aymon s’entremêlant avec les Bernard et les Guillaume dont il y en eut trois de chaque dans la même période. On imagine les activités de ces seigneurs guerriers de la montagne dans un royaume faible et corrompu. La légende des Quatre Fils Aymon, que l'on retrouve également dans l'Ardenne, viendrait de cette période mais n’a que peu de rapport avec le cadre Limousin puisqu’elle est racontée, dans sa version occitane, autour d’Albi et de Montauban. Bref, après les Croisades, ce furent les prénoms de Jean, de Louis, de Jacques, de François, d’Antoine qui réapparurent assez régulièrement pour les aînés mâles, ce pratiquement jusqu’aujourd’hui. Entre temps, la famille a abandonné son rocher pour s’établir au château de Mainsat, translation que l’on a établie vers 1195 (ce château - dit le Château des Portes, remanié au 13ième et au 16ième siècles, actuellement transformé en centre équestre -  n’est actuellement plus occupé par la famille patronymique depuis le début du 20ième siècle). Une autre lignée s'établira plus tard au château de Saint-Maixent, seigneurie du même nom dans la sénéchaussée de La Marche (Creuse) ; Jean Ier de la Roche Aymon (1405 - 1464), seigneur de Saint-Maixent, Sénéchal de la Marche, fut lieutenant-général du duc de Bourbon et d'Auvergne et son fils, Jean II (1441 - 1511), chevalier, bailli de Mâcon et Gouverneur du Languedoc en 1489, héritera du château de Chabanne, aujourd'hui disparu. Le château de Saint-Maixent fut plus tard surtout connu par l’existence du "Grand Diable", surnom attribué à Philibert de la Roche Aymon (1613 - 1648), seigneur qui, au 17ième siècle, s’était rendu célèbre par sa barbarie et ses méfaits, et une vie sentimentale très peu chrétienne : marié sucessivement en 1634 avec Anne de Saint-Julien, qu’il assassinera vers 1640 mais avec qui il aura quand même deux filles, et dix ans plus tard avec Jacqueline d'Aubusson, avec qui il aura une fille, il n'hésitait pas à tuer "par plaisir" ou pour faire valoir ses fantasmes. Son comportement inspira plus d’un écrivain comme dans l’Enlèvement à la Belle Etoile de Louise Pailleron et Alexandre Dumas. Philibert était le second d'une fratrie de sept enfants provenant tous de Geoffroy-Perrot (ca 1583 - 1623), marquis de Saint-Maixent, sénéchal de La Marche, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, capitaine de cinquante (50) hommes d'armes de ses ordonnances, et de Suzanne d'Isserpent. Confisqués pendant la révolution, le château et ses terres furent adjugés à un ancien fermier. Aujourd’hui, il appartient à un médecin, le Docteur Gérard Chabert qui y a développé un parc animalier. Ce château est privé et ne se visite pas.

 

Quant à notre fameux Charles Antoine de la Roche Aymon (1696 ou 1697 – 1777), de la branche de Mainsat, dernier d’une fratrie de deux frères et d’une sœur, il eut l’originalité de naître à Mainsat de Renaud Nicolas (1652 – 1716), prénoms non encore usités dans la famille pour un aîné de sexe mâle, et de Françoise Geneviève de Baudry ( ? – 1744), son épouse depuis 1680, procédant de la seigneurie du château de Thosny. Charles Antoine fut évêque de Tarbes en 1729, archevêque de Toulouse en 1740, de Narbonne en 1752, de Reims en 1762, année où il fut Grand Aumônier de France, puis Duc de Reims en 1763 avant de passer cardinal en 1771. Il devait sacrer le roi Louis XVI deux ans avant sa mort, qui survint à Paris en 1777 à l’âge de 80 ans, et il sera enterré en la cathédrale de Reims. Quant à son frère, Paul Philippe (1685 – 1759), il fut fait chevalier de Saint-Louis en 1711 et Lieutenant Général de France en 1743 après avoir été Commissaire Provincial de l’Artillerie en 1706 puis brigadier en 1721. Ce dernier devait se marier en 1712 avec Charlotte Françoise Mascrany qui lui donna Antoine Louis François (1714 – 1789), seigneur puis marquis de la Roche Aymon, fait chevalier de Saint Louis le 13 mars 1747 puis chevalier du Saint Esprit le 1er Janvier 1776 : en effet, c'est lui qui, depuis 1745, prit à sa charge un régiment de gentilhomme créé à Vendôme en 1651 pour César Monsieur, duc de Vendôme, fils bâtard d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrée, jusqu'à sa promotion, après avoir participé à la Guerre de Sept-Ans, au grade de Maréchal de camp le 20 février 1761. Quant à la sœur, Marie, elle devait se marier en 1706 avec François de Lastic, comte de Siuejac, seigneur de Saint-Georges et d’Alleuze, Vicomte de Murat, qui fut page du Roi en 1694 et capitaine au régiment du Roi en 1702.

Des traditions militaires, la souche creusoise glissera naturellement vers la politique. Les évènements révolutionnaires de la fin du 18ième siècle allaient faire ce lien avec l'organisation des premières consultations populaires et la remise en cause de la noblesse, puis sa Restauration sous les deux empires. Dans cette optique, on retiendra en particulier François (Marie Paul Renaud) de la Roche Aymon (1817 - 1891), né à Paris, décédé à Mainsat, qui fut député monarchiste-légitimiste de la Creuse de 1871 à 1876. D'abord officier de cavalerie, il quitte l'armée pour s'occuper d'agriculture. Il fut maire de Mainsat de 1846 à l'année de sa mort, relayé jusqu'en 1900 par son fils Guy, fut Conseiller Général de la Creuse pour le canton de Bellegarde sur plus de vingt ans et fut élu à l'Assemblée Nationale le 8 février 1871, le 3ième sur 5, par 32.732 voix sur 50.111 votants et 80.083 inscrits. Il fut battu aux élections de 1877 au profit du républicain sortant, M. Fourot. Il était le fils d'Antoine (Charles Etienne Paul), comte de la Roche Aymon (1772 - 1849), né et mort à Paris, garde du corps en 1734, lieutenant au régiment de Foix en 1788, qui s'enrôla dans les armées prussiennes jusqu'en 1814 suite à quoi Louis XVIII le nomma maréchal de camps, puis, nommé Pair de France en 1815, s'engagea dans la campagne d'Espagne où il fut promu lieutenant général en 1823 après la bataille de Molina del Rey. Il se retire dans la Creuse pendant les Cents-Jours. Conseiller général de ce département, il fut également membre de la Chambre Haute où son rôle a été assez discret, notamment pendant l'affaire du général Ney. On lui doit enfin plusieurs ouvrages portant sur des sujets militaires, dont une "Introduction sur l'art de la guerre", ouvrage édité sur quatre (4) volumes et un (1) atlas publié à Weimar de 1802 à 1804.


Le petit village de Mainsat a vu, de 1836 à 1837, l'agrandissement de l'église dans un style Renaissance, financé par Mme Antoinette de la Roche Aymon, duchesse de Narbonne.

Avant que le château de Vandenesse ne passe « définitivement » à la lignée de la Roche Aymon, il y eut déjà un mariage entre Colette de Beauvilliers (1749 – 1831) et Antoine, marquis de la Roche Aymon (1751 – 1831) et lieutenant général de France, arrière petit-fils de Renaud-Nicolas, déjà cité. Le couple eut deux enfants, dont un fils, l’aîné, Antoine Charles Etienne, dont nous avons déjà parlé. Cet Antoine avait une sœur, Antoinette (1773 – 1825), qui fut mariée en 1802 à un certain Michel Augustin de Goyon (1764 – 1854), officier des Gardes Françaises avant la Révolution puis de la Garde Constitutionnelle sous Louis XVI, émigré à Hambourg (Allemagne) en 1792, amnistié en 1802, dont la durée de vie fut remarquable puisqu’il décéda à Chantenay, son fief natal de Loire-Atlantique, à l’âge de 90 ans. Auditeur au Conseil d'Etat, il devait occuper des postes de sous-préfet et de préfet dans divers départements jusqu'en 1830.

 

Dans l’ensemble, les de la Roche Aymon ont embrassé surtout des carrières militaires au service du Roi et, après la Révolution, au service des divers régimes qui se sont succédés. Un membre de cette famille est tombé sur le champ de bataille pendant la première guerre mondiale, un autre pendant la deuxième, et le château de Vandenesse, qui appartient à la famille de la Roche-Aymon depuis 1909, a été pillé pendant cette période. En effet, par le mariage en 1878 du comte Guillaume-Louis-Marie-Casimir de la Roche Aymon (1851 - ?) avec Alix Marie Thérèse Pie Ghislaine de Mérode, fille du prince Charles de Rubempré, comte de Mérode Westerloo, président du Sénat belge, sans descendance, la terre de Vandenesse échoit au cousin Raoul Joseph Marie Pie Ghislain Casimir de la Roche-Aymon (1881 - ?) qui avale du même coup le château de Saint-Aignan-sur-Cher du fait de la relation avec la lignée des Beauvillier (mariage déjà décrit plus haut), qui actuellement est occupé par Hély de la Roche-Aymon, fils de Raoul Joseph et de Madeleine Marie Joséphine Louise de Broglie (1891 – ?). François, son frère, comte de la Roche Aymon, l’actuel propriétaire, et son fils Raoul vivent actuellement dans le château de Vandenesse, François s’occupant de la régie ; notons que le château est géré depuis 1999 par la SCI des Quatre Fils. François ayant eu, avec Armelle de la Bédoyère, quatre enfants, dont Raoul, Olivier et Charles, tous cogérants, on appréciera la métaphore de cette SCI avec la fameuse chanson de geste et roman de chevalerie tiré de Renaut de Montauban : les quatre fils Aymon. Armelle de la Bédoyère, l’épouse de François de la Roche Aymon, vient d’une vieille famille bretonne ayant généré des magistrats et des militaires, dont l’un, Charles Angélique François Huchet de La Bédoyère (1786 – 1815), fidèle serviteur de Napoléon Ier, mourut fusillé à 29 ans sur la plaine de Grenelle suite à la défaite de Waterloo. Hély, qui, avec Edwige de Foresta, a eu également quatre enfants, François et Guillaume de la Roche Aymon, tous descendants de Raoul Joseph, habitent actuellement à Paris, les deux premiers dans le 16ième arrondissement, le troisième, peut-être moins fortuné, dans le 15ième.

 

En dehors de la fonction militaire, la famille, dans ses diverses lignées, intervient essentiellement, de par ses propriétés, dans le domaine agricole. Sur la Nièvre, gérés en GFA, le domaine de Couze à Moulins-Engilbert, les domaines de Nourry et de Givry à Vandenesse, le domaine d’Arcilly à Limanton font toujours partie des propriétés de la famille, avec une SARL, l’Européenne et Nivernaise de Chasse et Pêche qui développe des activités sportives. En Indre-et-Loire, les la Roche Aymon gèrent le domaine du Mousseau à Saint-Aignan. La famille gère également en Groupement Forestier des forêts à Vandenesse et Saint-Aignan-sur-Cher (Indre-et-Loire) et intervient à Arles, dans les Bouches-du-Rhônes, dans les GFA du Vedeau, des Charlots, de Barcarin Ouest et au GRPT agricole Foncier de Barcarin Est. On la voit également chez Agricia à Sainville (28700), une société de conseil en agriculture. On est bien loin des carrières militaires…

 

Hormis Vandenesse, Mainsat et Evaux déjà cités, les de la Roche Aymon ont été vus à diverses époques : à la Conciergerie de Paris, à Saint-Aignan (près de Tours), à Montchevrier (Indre), au Château de Parentignat (près de Clermont-Ferrand), à Pavie (Italie), Versailles, Valenciennes, Moulins-sur-Allier, Reims, Chenonceau, Nouaillé-Mauperthuis (près de Poitier, dans la Vienne), Saint-Pierre-de-Fursac (Creuse), au Château de Saint-Maixent (Creuse)… Un hôtel particulier datant de 1710, dit l'Hôtel de La Roche Aymon sis au 43 rue Saint Dominique à Paris, dans le 7ième arrondissement, a été abattu et remplacé par un grand immeuble recouvrant les 41 et 43 de cette même rue : il appartenait au Crédit National. Dans l'énumération de tous ces lieux plus ou moins mémorables, dont quelques uns ont donc disparu, on remarquera la dissolution progressive de la souche limousine historique, qui a commencé dès la Révolution avec l'émigration du comte de Saint-Maixent, au profit d'implantations plus dispersées, et déjà anciennes, les mariages ayant souvent restructuré les domaines, non seulement en Ile de France quant au principal, mais encore dans les pays de la Loire et en Bourgogne. Cela dit, la glorieuse lignée décrite est loin de s’éteindre puisqu’on la voit actuellement se reproduire notamment à Paris et à Tours. Une naissance a été constatée sous ce patronyme au début du 20ième siècle à Neuilly-sur-Seine, cinq naissances dans la période 1966 – 1990, dont deux dans le 17ième arrondissement de Paris, deux à Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine et une à Tour, en Indre-et-Loire. Si le château de Vandenesse appartient bel et bien à la lignée de la Roche Aymon, la Nièvre n’est donc pas encore une terre d’élection pour la reproduction locale de la lignée.

 

Sources : Geneanet, 2007- J-P de Palmas (suivant l’Histoire Généalogique de la Maison Royale de France par le père Anselme et le Dictionnaire de la Noblesse d'AUBERT de la CHESNAYE-DESBOIS & de Jacques BADIER - Paris 1863-1876 19 vol. & In nobiliaire du diocèse & de la Généralité de Limoges par l'abbé Joseph Nadaud, 1880) ; JC Nouhant, 2005 ; Assemblée Nationale, Dictionnaire des députés de 1789 à 1889.