Qui sont
les élèves du secteur de Moulins-Engilbert ?
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Jean de Rohan Chabot, chercheur à l'Université de Clermont-Ferrand et professeur d'histoire au Collège de Moulins-Engilbert, a entrepris une enquête sur la sociologie et les intentions à plus ou moins long terme des élèves du collège de secteur de Moulins-Engilbert (collège "Les Deux Rivières"). Ces résultats restent à comparer avec d'autres établissements scolaires de la région, déjà enquêtés (Château-Chinon) ou à enquêter. La faiblesse de l'échantillon n'autorise cependant pas à une interprétation rigoureusement fiable et celle-ci doit être considérée sous réserve d'enquêtes ultérieures dans d'autres établissements.
Questionnaires renseignés sur les classes de 5ème, 4ème, 3ème : | 123 |
Nombre de questionnaires remplis par les garçons : | 55 |
Nombre de questionnaires remplis par les filles : | 57 |
Questionnaires sans mention de nom et de sexe : | 11 |
Notons au préalable que les élèves sont peu familiarisés avec les documents soumis et bien des questions n'ont pas été renseignées : difficultés à l'écrit et compréhension d'un texte simple, niveau scolaire globalement plutôt faible, grand nombre de fautes d'orthographe.
Les réponses exploitables ont été les suivantes :
Choix d'un lieu de vie future :
Rester dans la Nièvre | Partir dans une autre région ou un autre département | ||
filles | garçons | filles | garçons |
28 % | 29 % | 49 % | 34,5 % |
La région la plus souvent citée reste la région parisienne mais toutes les directions sont choisies, ce qui indique une grande dispersion des choix. Est-ce le signe de la grande diversité des origines ? En effet, 25,4 % des garçons et 47 % des filles (!) sont nés hors du département, ce qui surpend a priori. Et plus du tiers des questionnaires indique une origine hors du département. Si 12,7 % des garçons envisagent se s'expatrier, soient 7 réponses, une seule fille envisage de le faire. Suivant Jean de Rohan-Chabot, "il s'agit là de réponses tout à fait dans la norme sexuée à cet âge de l'existence et qui correspond à une attitude plus aventureuse des jeunes gens, choix sociologiquement déterminés et susceptibles de toutes les remises en cause ultérieures".
23,6 % des garçons et 21 % des filles ne savent pas ce qu'ils feront.
Globalement, ces résultats montrent qu'une bonne partie de la jeunesse locale ne restera pas sur place, ce qui ne peut qu'accentuer le vieillissement à venir de la population. Cependant la part importante des indécis(es) montre qu'il y a tout un travail de persuasion et d'argumentation à effectuer pour infléchir la courbe des départs. En effet, on peut supposer qu'une bonne partie de ces départs annoncés s'expliquent par des préjugés à l'égard de notre secteur géographique. En particulier, l'image d'une région vieille, avec peu d'emplois, et isolée. C'est ce qu'indique les réponses négatives concernant l'image de la région.
Les principaux points positifs indiqués en première position sont le calme, la proximité de la nature, la beauté des paysages.
L'isolement et, surtout, le manque de loisirs sont, à l'inverse, très négativement ressentis.
Cependant, ces réponses doivent être relativisées par rapport à l'âge des enquêtés qui sont probablement plus attirés par des loisirs de type urbains (boîtes de nuit, cinéma, jeux, sorties) que par ce que peut offir le milieu rural et qui satisfait en général davantage les plus jeunes ou les plus âgés. Il n'en reste pas moins que c'est bien là un handicap pour notre territoire, comme pour les territoires ruraux éloignés de grandes agglomérations.
Enfin, et peut-être surtout, Jean de Rohan-Chabot note "le grand nombre de réponses concernant le manque d'emplois, surtout chez les filles qui semblent plus mûre à cet égard : 11 filles donnent cette réponse contre seulement 4 garçons. On peut y voir aussi le résultat de la ruralité puisqu'aussi bien un grand nombre d'emplois du secteur sont des emplois plutôt connotés comme masculins. Cependant cette inquiétude, si elle conduit à vouloir partir, relève du paradoxe ; en effet, si la Nièvre compte peu d'emplois, elle possède aussi une faible population active et le taux de chômage n'y est pas plus élevé que la moyenne nationale. De plus, en raison de la pyramide des âges, de très nombreux postes de travail sont et seront à pourvoir dans les prochaines années".
Concernant les caractérisitiques personnelles, Jean de Rohan-Chabot notera l'importance des réponses, pour les deux sexes, et aussi pour les questionnaires assexués, indiquant le courage au travail, d'ailleurs souvent couplé à la réponse plutôt manuelle qu'intellectuelle. "Dans les campagnes, le travail manuel et la force physique, plus qu'en ville, restent des valeurs positives, alors que l'intellectualisme inspire souvent de la méfiance. S'il est bon d'être fier de ses valeurs et de ses métiers, il ne faudrait pas cependant que cela conduise à de l'anti-intellectualisme car cela aurait alors pour effet d'aggraver les handicaps du territoires par rapport aux évolutions actuelles impulsées depuis les grandes métropoles urbaines, mutations qui se caractérisent justement par l'importance grandissante de la matière grise dans tous les métiers".
Signe encourageant aussi, dans la perspective d'accueil de populations nouvelles, le grand nombre de réponses indiquant "accueillant(e)" ; avec toutefois un bémol puisque les filles sont 17 à avancer d'abord cette proposition, contre seulement 5 garçons. Là aussi, Jean de Rohan-Chabot trouve des caractéristiques nationales, "les femmes étant en général plus ouvertes et faisant preuve de plus de maturité. D'ailleurs, les seules réponses indiquant en premier lieu un rejet de l'étranger et de la nouveauté, sont le fait de garçons (3)".
D'autre part, Jean de Rohan-Chabot a cherché à savoir si les jeunes nés hors du département pouvaient constituer un apport de population pour l'avenir. "Hélas, sur 14 garçons, un seul (7,1 %) fait ce choix et sur 27 filles, six seulement (22 %) ! Cela dit, c'est plus que ce que l'on peut trouver sur d'autres cantons du secteurs, en particulier pour les filles. Il est vrai que la faiblesse de l'échantillon ne permet pas de tirer des conclusions plus assurées".
Enfin, Jean de Rohan-Chabot s'est intéressé au cas particulier des enfants d'agriculteurs, cette activité, quoiqu'en régression, restant déterminante surtout à Moulins-Engilbert.
12 garçons (21 % du total des garçons) et 8 filles (14 % du total des filles) sont des enfants d'agriculteurs. Parmi eux, 6 garçons (50 % du total), et 2 filles (25 %), veulent exercer le même métier ou des professions para-agricoles. Plus intéressant encore, 33 % des garçons et 37,5 % des filles indiquent vouloir rester dans la Nièvre. "Ce qui confirme tous les résultats au niveau national : cette profession est celle qui continue d'assurer les plus forts taux de reproduction professionnelle et le maintien sur place". A noter tout de même les 41 % de garçons qui ne savent pas où ils iront plus tard. Et Jean de Rohan-Chabot de se poser la question : "Faut-il y voir le signe des inquiétudes pour l'avenir qui taraude une profession de plus en plus menacée par les réformes successives de la PAC ?"
Sources : Jean de Rohan-Chabot, Premiers résultats du dépouillement du questionnaire élèves de Moulins-Engilbert (3 janvier 2006)