Les premiers chemins de fer - Page 10/21 - <Page précédente> <Page suivante>
La naissance et l’essor du chemin de fer vont bouleverser la donne routière et les investissements vont largement diminuer pour ce qui est du réseau national et départemental proprement dit. Le trafic routier diminue et les relais postaux ferment les uns après les autres. Sur le canton, le relai-hôtel de l'Horloge, construit vers 1790 dans le centre-bourg de Moulins-Engilbert, et celui de la Corvée, construit en 1714 près de Moulins-Engilbert, sur la route d’Autun, en sont les exemples les plus connus. Tout en épargnant la Nièvre, la guerre avec l’Allemagne entre 1870 et 1871 va largement vider les caisses de l’Etat et il n’y aura plus de grands programmes d’investissements routiers. Or, à la fin de 1841, on ne comptait en France que 560 Km de voies ferrées alors qu'il y en avait déjà 4 912 pour l'ensemble de l'Europe et au moins autant aux États-Unis. La loi de 1842, prévoyant des concessions de longue durée et l'aide de l'état pour l'établissement d'un réseau rayonnant autour de Paris, donna un coup de fouet à l'industrie des chemins de fer et fixa en même temps l'aspect définitif du réseau national entièrement centré sur Paris à l'image du régime administratif centralisé de la France et du réseau des routes nationales dont les grandes lignes ferrées devaient suivre le même tracé. Les petites villes de province, relais de diligences, devinrent tout naturellement les principales stations des lignes ferrées et plus tard les gares d'embranchement. Comme on le verra plus loin, Moulins-Engilbert échappera à cette logique.

Gare de Moulins-Engilbert à Panneçot (Limanton)
La Gare de Moulins-Engilbert à Panneçot (Limanton)

Le chemin de fer arrive donc à Nevers, non pas depuis Paris, mais depuis Bourges et Néronde le 24 août 1850, et le pont ferroviaire sur la Loire a été achevé par l'ingénieur Boucaumont le 15 août de cette année après avoir été démarré le 15 avril de l'année précédente, suivant les nouvelles technologies « fonte et pierres », les aciéries de la région de Nevers, de Fourchambault en particulier, ayant contribué à la structure métallique de l’ouvrage, de sept arches et six rangs de voussoirs. Quant à la gare, elle n'était en fait qu'un embarcadère, terminé le 20 octobre... la gare actuelle ayant été terminée dix ans plus tard avec une cour fermée par une grille - qui va être démontée vers 1900 -, mais sans sa belle marquise qui sera achevée en 1862 pour recevoir trois voies et aggrandie en 1895 pour y aménager trois quais (la marquise aura beaucoup souffert lors des bombardements de juillet 1944 par les alliés et en septembre, lors du retrait des allemands), et sans la verrière d'entrée qui sera achevée en 1907 avec d'autres bâtiments colatéraux, en s'aggrandissant de nouvelles voies suite à l'extension du réseau local. Cette gare sera le prélude au développement de tout un quartier de Nevers.

Onze ans plus tard, le rail sera porté jusqu'à Montargis. En 1866, le chemin de fer de Chagny est poussé jusqu'à Cercy-la-Tour. Clamecy est accessible depuis Auxerre en 1870, relié sept ans plus tard à Nevers par Arzembouy, Prémery, Poiseux et Guérigny, et, dès 1893, à Cosne via Entrain-sur-Nohain. C’est à cette époque que l’on projette de désenclaver ferroviairement le Morvan par la jonction de Clamecy à Cercy-la-Tour par Corbigny, Epiry, Tamnay-en-Bazois, Brinay, Panneçot et Vandenesse. C’était en 1862, une trentaine d’année après la naissance des premières voies ferrées en Grande-Bretagne, en Belgique et en France, et quelques années avant la loi de 1865, dite loi Migneret, officialisant la construction de lignes d’intérêt local avec le premier tronçon de Nevers-Tonkin à Saint-Saulge par Montigny-aux-Amognes, construit entre 1901 et 1904 et la construction de la ligne de Corbigny à Saulieu en 1903 avec une extension jusqu'au Canal du Nivernais (un premier tronçon était déjà opérationnel de Corbigny à Ouroux en 1901). Mais il faudra attendre la fin des hostilités avec l’Allemagne pour que démarre le chantier de la ligne Clamecy-Cercy qui sera achevée en 1878 sans passer par Moulins-Engilbert qui pourtant, en 1874-75, en avait fait la demande. Le maire d'alors, Jean-François Laurent Moreau, n'aurait pas, suivant Victor Moreau (Moulins-Engilbert, p 134), correctement soutenu les intérêts de la commune lorsqu'il fut question de construire la ligne.

Et pourtant : les expéditions bovines par fer effectuées au départ des gares de Corbigny, Tannay, Prémery, Tamnay-Châtillon et Moulins-Engilbert allaient s'élever, dès 1938, à 9.254 vaches, boeufs et taureaux et 2.315 veaux. On imagine le prix d'une telle désinvolture...
De Cercy-la-Tour à Gilly-sur-Loire, une voie unique fut construite en 1884, permettant ainsi les liaisons par Vitry-sur-Loire et Saint-Hilaire-Fontaine, vers Bourbon-Lancy, Moulins-sur-Allier et Roanne ; cette ligne fermera en 1954. La ligne de Château-Chinon à Tamnay s’y greffera quelques années plus tard, en 1889 et accueillera les voyageurs jusqu'en 1932. Le tracé et le terminus de cette ligne nécessitèrent des travaux considérables de remblai et de déblai. La voie métrique venant d’Autun via La Celle et Arleuf allait la poursuivre jusqu'à Autun : démarrée le 28 août 1900 d’Autun, elle arrivera à Château-Chinon le 1er juin 1905, la gare d'Athez (Saône et Loire) ayant été le terminus de cette ligne jusqu'en 1904 : les discussions avec la Nièvre n'avaient pas abouti jusqu'à cette date. Cette ligne devait disparâitre en 1931, les rails et ponts métalliques démontés et vendus.

Car Moulins-Engilbert restait à l’écart, même si la gare qui lui était attribuée sur la voie ferrée de Cercy se situait à Panneçot, sur la commune de Limanton, à 6 km du chef-lieu de canton. Un chef-lieu de canton comme Moulins-Engilbert se devait d’avoir sa propre desserte ferroviaire, suivant un principe bien établi au 19ième siècle, d'autant plus que le transport des bestiaux vers la gare de Panneçot posait problème. C’est alors qu’à l’instar d’autres petites lignes de la Nièvre et du Morvan à voie métrique - les lignes d’intérêt local -, l'on émit en 1886 un projet de ligne entre Panneçot et Moulins-Engilbert, projet qui avortera, et en 1893 le projet de création d'une liaison ferroviaire entre Panneçot et Autun via Moulins, projet qui, une fois de plus, ne verra jamais le jour. Et ce n'est qu'entre 1907 et 1910, avec le parachèvement du réseau local nivernais, que l’on construisit enfin la ligne de Tamnay à Moulins-Engilbert que l’on relia avec celle de Tamnay à Châtillon, construite deux ans plus tôt, par la construction d’un pont enjambant la fourche ferroviaire vers Corbigny et Château-Chinon, pont qui fut démonté il y a une vingtaine d’années. Cette ligne, qui passait sous la N78 juste avant le passage à niveau de la ligne PLM à Tamnay, gravissait les bois de Beunas, passait par Montchamois, longeait la N485 avant de s'en écarter vers Nantilly, en la traversant ; puis elle retraversait la chaussée de Moulins-Engilbert en contre-bas de la côte de Vauvelle, passait sous le château de Charmois, traversait les bois du Chapître avant de faire halte au Pavillon le long du chemin de Chamnay préalablement traversé ; puis descendait les pentes herbeuses du Bourguérault pour à nouveau traverser la N485 vers le Pontot, et atterrir en haut du Pré Yvon actuel à son terminus (dont la gare est actuellement transformée en école maternelle et le reste du terrain occupé par le collège). Cette ligne, qui faillit être poussée jusqu'à Etang-sur-Aroux par Villapourçon, puis vers 1920 sur Saint-Honoré et Rémilly, eut effectivement ses heures de gloire par le transport des voyageurs, des bois, des pierres et des bestiaux à un moment où le ferroviaire l’emportait largement sur la route, favorisant le transport de masse sur de moyennes distances à moindre coût. Les circulations étaient de type mixte, à savoir que les wagons de voyageurs étaient attelés aux wagons de marchandises dans le même convoi. Cette ligne de type vicinal au tracé sinueux - tortillard que la population appelait « tacot » - ferma en 1933, les trains étant remplacés par des autocars, pour être officiellement fermée en 1939 et démontée entre 1939 et 1941 suite aux effets conjugués de la loi de 1913 réduisant les subventions de l’Etat et la garantie d’intérêt, de la première guerre mondiale, de la crise de 1929 qui suivit et de l’apparition des automobiles, voitures particulières et autocars, qui commencèrent à redonner une nouvelle vie à nos chères routes de campagne.

Restent les chemins vicinaux dont le tracé des plus anciens et des plus importants n’a pratiquement pas varié depuis la période gallo-romaine. Plus ou moins entretenues par les autorités locales (civiles ou religieuses), ces voies sont, au début du 19ème siècle., en général en très mauvais état. Du fait de la construction des nouvelles routes, l’ancienne voie de Moulins-Engilbert à Châtillon par l’abbaye de Belleveau est pratiquement abandonnée à l’Ouest du Landay, encore repérable au Nord d’Andenas : elle a été interceptée par le canal du Nivernais et le chemin de fer de Cercy-la-Tour. L’ancienne voie de Moulins à Château-Chinon par Champcheur est abandonnées en de nombreux endroits suite au passage de l'Escame et le détour par Chaligny (Saint-Hilaire). Si ces abandons et déclassements sont inéluctables, d’autres voies, anciennes et moins anciennes, sont encore bien empruntées, et se dégradent inexorablement en l’absence de toute politique d’entretien. En 1824 une loi laisse aux communes le choix entre l'impôt ou les prestations en nature pour leur entretien. En 1836 une loi distingue les chemins vicinaux de grande communication placés sous l'autorité des préfets et les chemins vicinaux ordinaires, souvent témoignage des anciennes voies, à la charge des conseils municipaux. Ceux-ci sont autorisés à recourir aux prestations en nature (au maximum trois jours par an). En cas de carence le préfet peut imposer les travaux. Une loi de 1868 fixe à cent millions de francs la dépense pour les dix ans à venir. En fait à la fin du Second Empire, trois cent mille kilomètres de routes secondaires sont aménagées et toutes les localités sont désenclavées. Grâce au labeur des ruraux eux-mêmes, qui, pour le cas général, ne peuvent payer d’impôts, le réseau routier du canton est enfin construit.