Hormis l'origine ancienne du Comtat Venaissin et une migration
vers Marseille et l'Isère, nous ne savons malheureusement que peu de choses
sur les activités, vraisemblablement commerciales et immobilières, de cette famille aisée dont une branche s'est établie dans la
Nièvre dès 1832, et joua un rôle si important, en tout cas par le père et le fils, dans l'organisation de l'enseignement de pair avec la gestion de grands
domaines agricoles, notamment à Poussery (Montaron) et Saint-Michel-en-Longue-Salle (Rémilly), soit entre 1843 et 1887, année de la révocation d'Adolphe Salomon du Ministère de l'Agriculture.
Le double patronyme est la reprise patronymique dès 1825, généralisée par la fratrie à la mort de son père en 1833, par Salomon Rousseau Cohen, son fils, ainsi devenu Louis Rousseau Salomon-Cohen, d'un certain Salomon Cohen (1751 - 1833), natif de L'Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse, propriétaire à la Plaine Saint-Michel (Marseille), vivant au 13 de la rue Curiol à Marseille, qui, sur les injonctions de Napoléon, confirma son identité en 1808. Négociant et notable, il avait participé, notamment à Nice, via des Sociétés Populaires, à la Révolution française et avait acquis, le 23 Prairial An II, un domaine provenant d'un condamné, Jean Alexandre Artaud, dont il encourut la déchéance suite au non paiement des termes échus au 30 Frimaire An XI. En plus du Talmud et de la Torah que lui imposait son père Moïse, il étudiait en cachette Darwin, Goethe et Jean-Jacques Rousseau, d'où le prénom de Rousseau donné à son fils, alors employé aux contributions directes, nommé maire de Rémilly (canton de Four) de 1840 à 1845 avant de diriger l'Ecole d'Agriculture de Poussery à Montaron de 1845 à 1863, commune dont il fut également le maire et pour laquelle il délégua ses fonctions de directeur à son fils, Adolphe Ambroise, ainsi nommé sous-diecteur dès 1850. Le double patronyme n'apparaît
cependant guère dans la signature de documents officiels ou publics émis depuis la Nièvre par le père Louis Rousseau et son fils Adolphe Ambroise qui, son père ayant passé le flambeau, passa au rang de directeur, de 1863 à 1887, de l'Ecole de Poussery avant son déménagement à Rémilly ; en effet,
Salomon, plus commun, apparaît le plus souvent seul et
souvent sans prénoms ni initiales, entraînant souvent une confusion entre le père et le fils. Le fait de privilégier Salomon à Cohen dans le double patronyme est également constaté chez les deux soeurs d'Adoplphe Ambroise, Césarine Euphrosine Salomon et Louise Frédérique, cette dernière, née sous le seul patronyme de Cohen, pianiste de renom et compositrice à ses heures, allant s'appeler par mariage Béguin-Salomon. L'identité complète n'est apparue qu'à la nomination de Louis Rousseau comme maire de Rémilly puis de Montaron, qu'au mariage de sa fille Louise Frédérique à Paris, de celui de Césarine Euphrosine dite Euphrasie à Montaron et au dépôt des divers brevets émis par son fils Adolphe Ambroise à Nevers et à Paris.
La famille Salomon-Cohen, par la branche d'Adolphe-Ambroise, quita définitivement la Nièvre en 1889, la Ferme-Ecole de la Nièvre dite Saint-Michel ayant été fermée par décision gouvernementale en 1887, pour aller s'installer à Seringes-et-Nesles, dans l'Aisne, pour ce qui est d'Adolphe Ambroise et de son épouse, et à Paris pour ses trois enfants - à Paris où Louis-Albert, le fils aîné d'Adolphe, se maria en 1900 avec une fille de la famille rémoise des Rohart, et se lança, après la mort de son père en 1907, dans l'agriculture poitevine avec son épouse tout en gardant des attaches à Paris, alors que l'une de ses soeurs, Charlotte, professeur de piano à Paris dès 1896, initialement la compagne de Riccardo Mililotti, baryton d'origine romaine, s'expatria après la Grande Guerre au Tonkin pour s'y marier, fort tardivement, en 1920, à cinquante-huit ans, avec un marchand de musique à Hanoï (Tonkin).
Salomon-Cohen suggère une origine historique judéo-méditerranéenne
(séphardi ou mezrahi). Nous ne pouvons être plus précis car les homonymies sont nombreuses, les prénoms passant souvent en nom de famille et inversement, ce jusqu'en 1808 où l'état civil des juifs fut stabilisé. En France, Salomon Cohen, avec ou sans trait d'union, a été
surtout vu dans les villes et régions portuaires de la Méditerranée, à Nice, Marseille, en Languedoc et en Roussillon,
notamment à Lunel et Montpeliers et, bien-sûr, à Paris. Signalons à Grenoble une société en nom collectif Salomon-Hébert, spécialisée dans l'achat à Marseille et la revente à Grenoble de denrées coloniales (épices), créée en 1828, mais qui fut dissoute en 1829, suite à une procédure arbitrale. Signalons également au 18ième siècle une importante société de négoce, la Salomon Cohen-Bacri et frères, établie à Marseille, Livourne et Alger. Ce n'est qu'après
la Révolution que les israélites commencent à investir les
campagnes, en se convertissant souvent au christianisme, ce qui a
évidemment été le cas des Salomon-Cohen qui nous intéressent
ici puisque Salomon Cohen (1749 - 1833) s'est marié avec Thérèse Maximine André, que Salomon Rousseau Cohen (1796 - 1875) s'est marié à son tour avec Césarine Boisset et que les descendants en ont fait de même. Sur l'Europe, le double patronyme, avec ses variantes Salmon-Cohen, Schlomo-Kohen, etc, est vu en Grèce (Salonique),
Espagne (Tolède)... jusqu'en... Pologne (Varsovie) ! A l'origine, ce patronyme s'articulait
dans la structure sémitique "ben" ("fils
de") que l'on peut notamment voir dans Judah ben
Salomon-Cohen ou ha-Kohen, pour ne parler que de ce personnage
important, un encyclopédiste de Tolède qui rédigea au 13ième
siècle un ouvrage scientifique, "Midrash ha-kahina"
("Interprétation de la Sagesse").
Quant à Louis Rousseau Salomon-Cohen, né donc Salomon Rousseau Cohen à Marseille, il naquit l'aîné, le 26 vendémaire de l'an 3 (17 octobre 1794), d'un mariage de Salomon Cohen contracté en 1794 avec Thérèse Maximine André, en secondes noces pour elle, le second, Elie Michel, né "indisposé" le 30 septembre 1795, n'ayant vraisemblablement pas vécu bien longtemps. D'autre part, au décès de Salomon Cohen à Marseille en 1833, Thérèse Maximine André, son épouse née en 1756 à Saint Maximin la Sainte-Baume, près d'Aix, rejoignit son fils Louis Rousseau à Rémilly (Nièvre) où elle décéda en 1839. Salomon Cohen, fils de Moïse et de Blanche Millaud, avait un frère cadet, Elie, négociant comme lui, qui, né en 1763, se maria en 1795 à Cavaillon (Vaucluse) avec Judy Avigdor, fille née en 1776 de Samuel et de Liotte Vidal. Cette dernière avait un frère, Isaac Samuel (1775 - 1845), dit "le Grand Avigdor" ou le "Rotschild de Nice Avigdor", Comte de Malburg. Ce "Grand Avigdor" était le chef de la banque qui portait son nom et dont les bureaux se trouvaient place Victor Garibaldi à Nice. Cette banque, dont on peut encore admirer l'immeuble, fit faillite en 1872, soit quelques années après l'annexion française de Nice en 1860 par Napoléon III (traité de Turin).
Sources : Archives Départementales des Bouches-du-Rhône, de l'Isère et de la Nièvre ; Geneanet, 2009 ; Jean-Paul Bourniac, "les Juifs du Comtat Venaissin", CNRS "Nouvelle Gallia Judaica". Pour en savoir plus sur cette famille, cliquer sur la rubrique "Géographie" de la page d'accueil puis "Montaron" où l'histoire de Poussery est traitée.
<Généalogie>