Charles Delahaye-Le Bouis (1832 - 1913), qui avait assisté au mariage d’Euphrasie Salomon-Cohen et de Louis Berthault à Montaron, devait essentiellement sa fortune à sa famille paternelle commerçante qui avait fondé au Havre une maison d’armement en 1766, la Maison Delahaye & fils, laquelle fut dissoute en 1800. L'immeuble, où se trouvait cette maison de commerce, existe toujours à l'angle des rues havraises de la Halle et Beauverger. Elle organisait des transports de marchandises et d’esclaves par navire, notamment "l’Aimable Sophie" ou "Le Jason", entre le Havre et Saint-Domingue, île des Antilles où la famille avait acquis vers 1767, suite à ce commerce, des plantations d’indigo, de cacao et de coton, notamment à Nippes – île actuellement divisée entre les pays de Saint-Domingue et d’Haïti. Ces plantations, dont l'exploitation reposait essentiellement sur l’esclavage, n’étaient cependant pas, du fait des aléas climatiques et sociaux, d’un rendement très régulier. Les familles alliées ou associées étaient les Bégouën, notamment par Suzanne Victoire (1753 - 1829), mariée en 1773 à Jean-Baptiste Joseph Delahaye (1747 – 1826), et les Feray dont l’un des plus connus, Jean-Baptiste Feray (1739 – 1811), onzième d’une fratrie de onze enfants, était négociant et armateur au Havre, et avait obtenu en 1775 le titre et la qualité de noble et d’écuyer. Des émeutes survenues entre 1792 et 1810 vont, après "la Guerre de l'Amérique", provoquer un effondrement des revenus coloniaux de la famille mais il semble que l’attachement à la terre des ancêtres ait provoqué le maintien de l’activité, et une indemnité de dépossession coloniale sera finalement perçue en 1828 par M. Begouën. Les fonds documentaires de la famille, très recherchés pour connaître l’histoire coloniale des Antilles, sont actuellement entreposés aux archives départementales de Seine-Maritime qui recouvrent la période 1408 - 1913. Ces copies, qui émanent de Jean-Baptiste Joseph, pièces comptables et rapports de gestion et de navigation, qui recouvrent la période 1766 – 1836, ont été vraisemblablement gérées de 1834 à 1836 puis remises à Charles Delahaye par son oncle et tuteur Alphonse Bonneville lors de l'achat des terres de Germigny en 1854 et entreposées au château de Germigny ; elles ont été retrouvées presque par hasard à Bourges, en 1950, par Charlotte Emilie Berthault, dans les combles du château de Germigny, et furent déposés "par la voie extraordinaire" aux Archives Nationales en juin 1951.

 

Les Delahaye-Le Bouis, également propriétaires en pays de Caux,  sont d’origine normande et havraise. De l’union de Jean-Baptiste Joseph Delahaye-Le Bouis avec Suzanne Victoire Begouën, naquirent sept enfants, dont trois furent "constatés disparus" au moment d'une convention d'héritage, le 18 février 1831 : connus à ce jours, Jean-Baptiste Joseph (le jeune), Jacques-Auguste, Julie et Françoise-Victoire dite Victorine. Si Jean Baptiste Joseph fut armateur et "Consul de sa Majesté Impériale, Royale et Apostolique", Julie Delahaye-Le Bouis (1776 – 1842) en fut la plus remarquable par son mariage en 1792 au Havre avec Jean Baptiste Maximilien de Sartiges, baron de Beaufort (1763 - 1811), alors maire de Gumont en Corrèze, puis en 1836 à Paris avec Louis François de Sartiges de Beaufort (1770 - ?), son jeune frère ; elle eut avec son premier mari une fille, Marie Louise de Sartiges (1812 - ?), qui avait épousé à Paris la même année le baron Louis Pierre François de Combarel, et habitait au château de Gibanel, en Corrèze, sur la commune de Saint-Martial Entraygues, près de l’actuel barrage d’Argentat. De cette famille, retenons en particulier Louis de Sartiges, né à Paris en 1859 d'Etienne Gilbert Eugène, comte de Sartiges, et d'Anna Thorndike, décédé en 1924, attaché au Ministère des Affaires Etrangères et ambassadeur. Précisons que l'extension "Le Bouis" est le matronyme d'une demoiselle Marie-Armande Le Bouis, fille unique d'un riche marchand, Jean Lebouis, mariée à un sieur Jean Robert Delahaye, marchand à Orléans, laquelle apporta l'essentiel de la richesse à la famille qui s'installa au Havre vers 1730.

 

Charles Jean-Baptiste Delahaye-Le Bouis, lignée de Jean-Baptiste Joseph (1774 - 1834) dit le Jeune et de Zaïne Bonneville (1797 - 1869), est né "par hasard" à Nogent-sur-Marne, dans la Seine. Du fait de sa naissance tardive, il n'avait que deux (2) ans lorsqu'il perdit son père, lequel mourut d'ailleurs prématurément, et fut pris en charge par son tuteur, son oncle maternel Alphonse Bonneville (Sens, 1799 - Montmorency, 1877), frère cadet de sa mère, ancien militaire et essayeur particulier à la Banque de France à Paris, auteur en 1849 d'une Encyclopédie Monétaire ; sa mère se remaria avec un avoué à la Cour de Paris, Alexandre Jules Charles Venelle, (Paris, 1809 - Paris, 1883), qui, trop jeune pour elle, lui préférera deux ans plus tard, malgré l'abolition du divorce en 1816, une femme de sa génération, Pauline Louise Héomet (Etampes, 1818 - Paris 1890), avec qui, parallèlement à deux enfants légitimes et demi-frères de Charles née en 1847 et en 1851, il aura des enfants adultérins et se mariera finalement en 1869, après le décès de Zaïne la même année. Alphonse Bonneville, qui, dans le cadre de la gestion de son patrimoine, avait bien structuré le projet professionnel de son neveu, le plaça en 1848, loin des scories d'une famille destructurée, chez les Salomon-Cohen à la ferme-école de Poussery pour sa formation agricole avant d'exploiter avec Louis Berthault, son ami de Poussery qui allait être son régisseur, les terres de Germigny préalablement achetées, avec l'assistance d'Alphonse Bonneville, au comte Antoine du Puy, ancien officier supérieur et préfet, le 27 mai 1854, près de Bourges. Il a toujours été considéré, de par sa situation familiale, son activité agricole et les liens fonciers à Germigny avec la famille Berthault, comme un intime de cette famille et, bien que décédé à Bourges en 1913, fut enterré sans descendance à Trouy (Cher) à côté de la sépulture Salomon-Cohen/Berthault. Ayant cédé par testament ses terres au profit des Berthault, il habitait alors au 37 de la rue Saint-Joseph à Bourges avec Anna Mélanie Léonide Lebreton, son épouse.

Sources : Erick Noël, «
La fortune antillaise des Delahaye-Lebouis (fin du XVIIIe siècle - début du XIXe siècle), in Histoire, économie et société, Sedes, 1997, n°4, pp. 647-670 ; Archives Départementales de la Seine Maritime, fond familial Delahaye-Le Bouis ; archives départementales du Cher ; Geneanet.org ; Mairie de Trouy (Cher).